Robin l’avoue : « Je me sers systématiquement du GPS . Même les routes que j’ai faites 3-4 fois, je n’y arrive pas sans. Je conduis bêtement et je ne retiens jamais rien de mes trajets». Ce témoignage, illustre un phénomène de société démontré scientifiquement. Plusieurs études récentes démontrent que notre dépendance au GPS - l’application la plus connue Waze, ou les systèmes intégrés au véhicule, a des conséquences durables sur nos capacités de navigation naturelles : le fameux sens de l’orientation. Marlène, elle aussi, ne peut plus partir nulle part sans son assistant électronique : «Je ne peux pas partir dans un endroit que je ne connais pas sans GPS. Je suis trop stressée. Même quand je suis allée plusieurs fois à un endroit, il me faut mon GPS.» Elle raconte comment, lors d’un bug de l’outil, qui lui indiquait de faire demi-tour, elle a obéi aveuglément pendant 5-6 kilomètres avant de comprendre qu’il la ramenait chez elle.
Cette dépendance génère parfois des situations ubuesques. Richard, utilisateur de Reddit, relate sa rencontre avec une personne «100% dépendante du GPS» qui ne savait pas lire une carte. Alors que les deux protagonistes avaient rendez-vous au pied de l’immeuble de Richard, son compère l’attendait plus loin, à l’endroit où les taxis s’arrêtent d’habitude : c’est ce que le GPS lui avait indiqué. «C’était surprenant de rencontrer quelqu’un qui ne se référait qu’aux instructions GPS. Cette personne est pourtant voyageuse et a visité de nombreux endroits à travers le monde», raconte-t-il.
Passer la publicitéLes scientifiques se sont penchés sur le sujet
Si ces témoignages se multiplient, des scientifiques ont pris le sujet très au sérieux. Une méta-analyse publiée en novembre 2024 dans le Journal of Environmental Psychology - portant sur 23 études et des participants âgés de 16 à 84 ans - établit clairement que «les personnes qui [se servent davantage du GPS] ont tendance à avoir une connaissance de l’environnement légèrement inférieure et un sens de l’orientation moins bon».
En 2020, les chercheuses Louisa Dahmani et Véronique D. Bohbot, dans la revue Scientific Reports avaient déjà démontré la causalité directe entre l’usage du GPS et la détérioration des capacités spatiales. Selon elles, l’usage répété de cette aide atteint l’hippocampe, cette région cérébrale cruciale pour la mémoire spatiale et l’orientation. «L’utilisation du GPS rend la navigation moins exigeante cognitivement», notaient-elles. En résulte une «utilisation réduite des stratégies de mémoire spatiale, des capacités de cartographie cognitive réduites, un encodage réduit des repères.»
Quand on lui parle de cette étude, Robin affirme en avoir fait l’amère expérience. «J’ai quelques anecdotes. J’habite Toulouse , je partais à deux heures de route, et cette fois-là : je n’ai pas pris le GPS. Résultat, je suis parti en direction inverse et j’ai fait un détour de 45 minutes. Cela me convainc bien que le GPS fait perdre l’orientation». Le problème est que le cercle du GPS est vicieux. «Les personnes ayant une plus faible capacité à apprendre des informations spatiales et à former des connaissances environnementales ont tendance à utiliser plus fréquemment des systèmes de navigation assistée dans la vie quotidienne, affaiblissant ainsi leurs capacités de navigation», note les scientifiques.
Un usage raisonné du GPS est-il possible ?
Pourtant, tous les automobilistes ne tombent pas dans ce piège. Nicolas, fort de ses 30 années d’expérience au volant et de ses déplacements professionnels, a adopté une approche différente : il utilise le GPS comme outil en gardant toujours un contrôle humain dessus. « Quand j’enlève mon GPS , les réflexes reviennent très vite. J’ai pour habitude de ne jamais me fier aux machines mais plutôt à mon expérience. J’ai le réflexe de savoir quand il se trompe, parce que trois fois sur quatre ils peuvent donner de fausses indications : ne suivent pas les déviations ou les travaux, ou les cartes ne sont pas à jour. » Cette méfiance lui permet de conserver ses capacités naturelles de navigation tout en bénéficiant ponctuellement de l’assistance technologique.
Quelque part, Nicolas promeut une méthode : utiliser la technologie sans s’y abandonner, garder un esprit critique et continuer à solliciter ses propres capacités cognitives. Maintenir active cette « gymnastique cérébrale » de l’orientation c’est aussi préserver votre autonomie et capacité d’adaptation face aux imprévus.