COUPS DE CŒUR
La force mentale des Springboks
Combien d’équipes se seraient écroulées à 14 contre 15 pendant plus d’une mi-temps ? Un bon nombre. Mais pas l’Afrique du Sud, sûr de sa force et de son rugby qui - après avoir été menée 14-6 - a fini par faire exploser le XV de France. Sans s’affoler, sans se renier. Le plan de bataille était simple : imposer un défi physique permanent et une incessante pluie de coups de pied. Une recette qui a fonctionné comme prévu. Les Bleus ont craqué, après l’heure de jeu, sous la pression constante des doubles champions du monde en titre. Le carton rouge logique infligé à Lood de Jager pour une charge à l’épaule de Thomas Romas n’a pas déréglé la machine. Redoutable d’efficacité et de maîtrise. Une fois de plus, les Springboks, qui ont conforté leur place de numéros 1 mondiaux, ont fait preuve d’une force mentale à toute épreuve. Quand le XV de France a fini par s’étioler et lâcher. Un monde d’écart.
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Passer la publicitéThomas Ramos a surnagé
Dans une ligne de trois-quarts qui n’a guère pesé sur le jeu, ne se procurant pas d’occasions, hors les deux essais inscrits, l’arrière est le seul à avoir fait honneur à son statut. C’est lui qui adresse les passes décisives à Damian Penaud, la première au pied, la seconde à la main. S’il n’a, pas plus que ses coéquipiers, réussi à s’imposer sous les ballons hauts des Sud-Africains, il est parvenu, en revanche, à parfois inverser la pression avec son jeu au pied. Lors de ses relances, il a battu six Springboks, remettant son équipe dans le sens de la marche. Et il provoque l’expulsion de De Lager.
Encore une bataille remportée par Erasmus
Il avait déjà remporté la bataille d’avant-match, avec ses petites provocations et son intox savamment menée. Rassie Erasmus a, en plus, remporté la bataille psychologique durant la partie. En réorganisant parfaitement son équipe après le carton rouge, avec notamment la sortie prématurée de son capitaine Siya Kolisi (qui fêtait pourtant sa 100e cape) et le repositionnement du trois-quarts André Esterhuizen en troisième ligne (bon, il fait quand même 1,93 m pour 115 kg), ce qui lui a permis d’inscrire en force, derrière un maul, l’essai du break à la 65e minute. «Quand les remplaçants sont entrés, les titulaires ont souvent déjà usé l’adversaire, ce qui permet au banc de finir le travail. L’impact vient surtout du fait que les joueurs comprennent que c’est un effort collectif à 23», a souligné le sélectionneur des Boks. Et de répondre aux critiques sur l’âge avancé de son squad : «Certains disent que nos joueurs sont vieillissants. En réalité, ils sont devenus plus sages et plus calmes.» La force de l’âge pour des joueurs qui sont déjà doubles champions du monde.
COUPS DE GRIFFE
Une mêlée mise au supplice
On leur promettait l’enfer. On ne leur avait pas menti. Avec seulement deux sélections au compteur, cet été face aux All Blacks, les piliers Baptiste Erdocio à gauche et Régis Montagne à droite ont été dans le dur face à l’Afrique du Sud, référence mondiale du jeu d’avants. Les Bleus ont concédé cinq pénalités dans ce secteur essentiel, le Montpelliérain et le Clermontois ont tremblé. Fabien Galthié, qui était privé de ses deux droitiers préférentiels (Atonio et Tatafu), avait avancé, avant le match : «C’est un peu vexatoire de dire : "Vous avancez avec deux piliers qui n’ont pas d’expérience". Non, ce sont les meilleurs piliers du moment.» Pas vraiment rassurant après coup. Encore moins quand on se souvient que le remplaçant à droite, Dorian Aldegheri, a été sanctionné d’entrée puis en fin de match. La mêlée est culturellement l’un des points forts du rugby français. Face aux Sud-Africains, elle a connu un samedi noir. À oublier.
L’indiscipline des Bleus
Treize pénalités concédées (près du double des Springboks, 7), dont cinq alors qu’ils étaient en possession de la balle. Les Bleus ont franchement failli dans le domaine de la discipline, sanctionnés en mêlée fermée (cinq fois), hors-jeu en défense, et parfois pris dans la bataille des rucks. Lors des vingt dernières minutes, ils ont ainsi multiplié les fautes, dans leurs 22 mètres (3) et en milieu de terrain (six pénalités concédées entre la 60e et la 71e minute…), ne parvenant pas à inverser la pression pour une domination implacable des doubles champions du monde. Ceux-ci, sûr de leurs forces, ont fini par préférer les pénaltouches aux trois points pour deux essais inscrits par ce biais. Sans oublier le carton jaune récolté, légitimement, par Louis Bielle-Biarrey pour un en-avant volontaire à la 63e minute. Le score était alors de 17-13 en faveur des Bleus. Quand l’ailier de l’UBB est revenu sur le terrain, il était passé à 17-25. Rédhibitoire. Le tournant du match.
Le banc fait flop
Souvent, avec Fabien Galthié, les remplaçants tricolores ont sauvé la patrie, apporté un nouvel élan décisif. Pas ce samedi soir. Les piliers, en souffrance, remplacés dès la 48e minute ? Le Toulousain Aldegheri sera à son tour sanctionné deux fois en mêlée. Romain Taofifenua censé apporter sa puissance ? Il n’a jamais pesé lors des 32 minutes passées sur le terrain. Sans parler de Hugo Auradou, rentré à la 71e minute en pleine tempête australe… Au relais de Nolann Le Garrec, à l’heure de jeu, Maxime Lucu a été invisible en attaque. Le seul qui a quelque peu tiré son épingle du jeu est le troisième-ligne Oscar Jegou. Il a offert à Thomas Ramos les derniers points tricolores, à la 59e minute, sur un grattage. Le Rochelais a assené six plaquages (un seul raté), mais son seul apport s’avère, évidemment insuffisant. Le sélectionneur avait fait le pari d’une rotation massive et précoce (cinq avants changés à la 48e minute). «On voulait mettre en place une équipe avant eux, pour ne pas lâcher du terrain.» Pari perdu. Mais il refuse d’incriminer ses remplaçants. «C’est une déception collective. Qu’il ne faut pas imputer aux entrants car ils ont donné tout ce qu’ils pouvaient.»