La Baule, Noirmoutier… La côte ligérienne face au risque de submersion et d’érosion du littoral
Le Figaro Nantes
Alerte rouge sur la côte de Jade. Fouettés tour à tour par les embruns de l’Atlantique et la bourrasque des tempêtes, les paysages sauvages qui font aujourd'hui le charme de l'île de Noirmoutier sont sur la sellette. Le même décompte plane plus au nord, sur la côte d’Amour, au-dessus de la plage géante de La Baule, du coquet port de pêche de La Turballe et des marais salants de Guérande. Le couperet n’est pas pour demain, même si alimentée notamment par la fonte des glaciers et des pôles induite par le réchauffement climatique, l’élévation générale du niveau de la mer connaît une accélération inédite, comme l’ont encore récemment observé les satellites météorologiques de la Nasa. Or, le phénomène ne se résumera pas seulement en la production de nouvelles cartes aux littoraux amincis ou aux îles supprimées. De fil en aiguille, la hausse du niveau de la mer pourrait entraîner un tsunami économique dans les régions qui en négligeraient la menace. Une crise qui pourrait être particulièrement difficile dans la région des Pays de la Loire.
Tel est du moins le scénario catastrophe projeté par une équipe de chercheurs de l’université technique de Delft, aux Pays-Bas, dans une étude parue en janvier dernier dans la revue Scientific Reports . Selon les données européennes agglomérées par les chercheurs, la majorité des régions françaises encaisserait un repli majeur de leur PIB dans les prochaines dizaines d’années à venir, avec - plus précisément - un repli hypothétique de 6,4% envisagé pour les Pays de la Loire à l’horizon de 2100. À l’instar de la plaine du Pô, dans le nord de l’Italie ou de la Poméranie occidentale, en Pologne, ce secteur s’avère particulièrement vulnérable en raison de sa densité de population et de sa concentration de richesses - liées aux activités maritimes et touristiques -, qui viennent s’ajouter aux vulnérabilités de sa ligne de côte, notent les auteurs de l’étude. Selon les prévisions actuelles, l’élévation du niveau de la mer devrait dépasser un mètre d’ici 2100.
Des enjeux financiers gargantuesques
Malgré ses réserves sur la méthodologie de ses collègues - qui ne prendraient pas assez en compte la mise en œuvre des politiques publiques - le géographe Marc Robin, de l’Observatoire régional des risques côtiers, confirme au Figaro que l’élévation sans cesse plus rapide du niveau de la mer finira par menacer les activités du littoral atlantique. Tôt ou tard. «À La Baule, par exemple, le coût du nouveau remblai est aujourd’hui dérisoire face aux enjeux économiques de la station balnéaire. Mais les investissements vont mécaniquement croître avec le temps jusqu’à ce que le coût des travaux l’emporte sur notre volonté de préserver la côte que nous connaissons», analyse le chercheur, précisant que le développement ininterrompu des étalements urbains le long des côtes montre toutefois que la prévention des risques n’est pas encore la première des priorités des collectivités.
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En attendant que les générations futures ne se confrontent au mur implacable de l’Atlantique, Marc Robin travaille avec son équipe à informer les collectivités de la région ainsi que les services de l’État, via la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), des risques encourus, que ce soit à très court terme - en amont des tempêtes - ou à de plus lointaines échéances. L’action de son observatoire de rattachement, formé en 2016 par l’université de Nantes, s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, portée depuis 2012 par le ministère de l'Écologie. L’administration avait alors accompagné pendant deux ans cinq projets pilote sur la relocalisation des activités et des biens dans les territoires fortement menacés par les risques littoraux. La campagne devait engager l’amorce d’une doctrine sur ces déménagements climatiques à venir - un chantier resté sans lendemain.
Dix ans plus tard, les choses s’affairent davantage à l’échelle des territoires. Une «convention régionale littoral» œuvre ainsi à mettre en musique, dans la région des Pays de la Loire, une politique d’adaptation des collectivités face à l’évolution des côtes. «Ce sont des questions complexes que nous accompagnons au cas par cas. Souvent la réponse la plus adaptée ne saute pas aux yeux», admet Claire Hugues, conseillère régionale déléguée aux affaires maritimes. «Faut-il laisser faire l’érosion ? Délocaliser ? Défendre le trait de côte ? Les enjeux financiers sont gargantuesques, vu le coût foncier du littoral dans la région. Et les budgets disponibles contraignent nos choix.» L’élue attend ainsi l’État au tournant, en se souvenant du renouveau salutaire des dispositifs inspiré par les conséquences dramatiques de la tempête Xynthia, qui avait fait 47 morts en France, en 2010. «Il y a eu un avant et un après Xynthia, qui a été une prise de conscience collective», se remémore Claire Hugues. En gardant l’espoir que les prochaines avancées n’attendront pas les lendemains amers de nouvelles catastrophes.