Les studios préoccupés par les droits de douane américains sur les films produits à l’étranger

Hollywood frappé par une nouvelle tempête. Après avoir été mise à l’arrêt pendant 118 jours historiques en 2023, en raison de désaccords entre les acteurs et les studios, l’industrie du cinéma américain traverse une autre crise. Donald Trump a annoncé dimanche 4 mai vouloir instaurer des « droits de douane de 100% » sur des films diffusés aux États-Unis, mais produits à l’étranger. Typiquement, des productions comme Mission Impossible , James Bond ou encore Avatar qui comportent souvent des scènes tournées à l’international, pourraient être concernées par cette proposition de loi. L’objectif du président des États-Unis ? Faire revivre le monde du cinéma américain « qui est en train de mourir » face aux autres pays qui « offrent toutes sortes d’incitations pour attirer nos cinéastes et nos studios loin des États-Unis ».

Donald Trump essaye de rassurer comme il peut les professionnels du métier après cette annonce qui a fait l’effet d’une bombe. « Je ne cherche pas à nuire à l’industrie, je veux l’aider », affirme-t-il à la presse, en annonçant qu’il allait prochainement rencontrer des représentants du secteur. Un porte-parole de la Maison-Blanche assure également « qu’aucune décision n’a été prise» et que « l’administration explore toutes les options ». Mais les studios américains, canadiens et britanniques qui travaillent en étroite collaboration sont moins sereins. Cela pourrait les contraindre à réduire la production et le nombre de films proposés dans les salles de cinéma ou encore les forcer à augmenter le coût des longs-métrages.

Hollywood veut « plus de crédits d’impôts », pas des droits de douane

Du côté de Hollywood, des réunions entre les studios se seraient tenues de toute urgence lundi, rapporte la presse américaine spécialisée. Toutefois, aucun studio ne s’est pour l’instant exprimé ouvertement sur la situation. Tout comme les acteurs. Plusieurs sociétés américaines ont préféré s’exprimer anonymement dans les médias. C’est le cas d’un responsable d’un grand distributeur américain interrogé auprès de Deadline, qui pense que ce projet serait une tactique pour « semer la confusion» et « détourner l’attention ». « Espérons que cela ne fera qu’encourager les États américains à mettre en œuvre dès que possible les augmentations indispensables de leurs crédits d’impôts. »

« Les mesures de Trump affectent déjà les ventes en Chine, mais là, elles impacteraient l’ensemble du marché mondial. Certains acheteurs refusent déjà de payer les garanties minimales en cas de taxe sur les films présents à Cannes ou sur ceux qu’ils ont déjà acquis. Cela impacte les accords de distribution nationaux, mais aussi les acteurs financiers qui investissent dans les films, car leurs films vaudront moins cher. Nous ne pourrons plus produire avec les mêmes budgets », affirme de son côté, une importante société de cinéma américaine, qui travaille sur des productions nationales et internationales. Certains sont plus optimistes sur cette proposition. Un financier du cinéma américain se dit auprès de Deadline « d’accord avec l’objectif » de Donald Trump. Mais « il est évident que ce sont des crédits d’impôts qu’il faut, pas des droits de douane».

Hollywood semble d’accord sur un point : produire des films aux États-Unis coûte beaucoup trop cher pour les studios, ce qui en contraint plus d’un à tourner à l’étranger. Beaucoup se tournent donc vers des pays voisins comme le Canada.

Un gouffre économique pour le Canada

Pour les organisations du cinéma canadien, il n’y a aucun doute : ces droits de douane engendreront des difficultés économiques à la fois au Canada mais aussi aux États-Unis. Le pays dirigé depuis peu par Mark Carney, devrait être fortement impacté par cette décision lorsque l’on sait que le tiers des productions filmées au Canada sont dédiées aux projets américains. L’industrie canadienne du cinéma appelle donc à un soutien national.

« C’est bien plus qu’un conflit commercial : c’est une attaque contre les moyens de subsistance des artistes et des créateurs canadiens », déclare Eleanor Noble, présidente nationale de l’Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio, dans un communiqué. « Il est temps d’investir dans une industrie de production médiatique forte et véritablement nationale, capable de résister aux menaces extérieures et de prospérer à l’échelle mondiale. » «  Honnêtement, peu de choses ont ébranlé notre industrie de cette façon », affirme de son côté Evelyne Snow, responsable des communications de l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS), au journal canadien La Presse.

Un projet « fou » pour le Royaume-Uni, qui impacte le cinéma et le streaming»

« Ce projet est totalement fou », réagit de son côté, un producteur britannique auprès de Deadline. Tout comme le Canada, le Royaume-Uni travaille activement sur la production de films américains et leurs prête de nombreux studios. « Alors maintenant, les studios américains ne pourront faire que des films américains ? Qui paie les tarifs ? Les principaux distributeurs indépendants seraient tous en faillite si c’était vous. » Un avis partagé par un autre producteur auprès de Variety : « Cela ne fait aucun sens. Cela implique qu’un film américain est censé être tourné aux États-Unis ? Or, Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, La Liste de Schindler, Gladiator et tant d’autres sont des films américains tournés à l’étranger pour des raisons évidentes. Ces films doivent-ils désormais être tournés aux États-Unis ? »

« Le mois dernier, la commission de la culture, des médias et des sports a mis en garde contre toute complaisance quant à notre statut de Hollywood européen. L’annonce du président Trump a rendu cet avertissement plus que concret », a déclaré de son côté Caroline Dinenage, présidente de la commission de la culture, des médias et des sports du Parlement britannique. D’autres se demandent à partir de quand seront mis en place ces droits de douane. « Qu’en est-il des films en pré-production, en tournage ou en post-production ? Faudrait-il simplement doubler leurs coûts ? Rien de tout cela n’a été pensé. » 

Un producteur britannique tient à rappeler auprès de Deadline que cette décision ne concernerait pas uniquement les cinémas américains mais également les plateformes de streaming. « Cela impacte aussi fortement des entreprises comme Netflix ou Disney+ dont le modèle est de produire localement et d’exploiter à l’échelle mondiale. » Cela pose aussi plusieurs interrogations : « Est-ce qu’une production tournée à l’étranger verrait le jour aux États-Unis sur ces plateformes ? »

Les productions étrangères diffusées aux États-Unis cartonnent de plus en plus au box-office nord-américain ces dernières années avec par exemple Parasite Anatomie d’une chute  ou encore Emilia Pérez . En parallèle, de nombreux studios américains tournent de plus en plus leurs grosses productions à l’international pour des raisons scénaristiques ou financières.