La Global Sumud Flotilla, qui vise à acheminer de l'aide à Gaza malgré le blocus israélien, est arrivée en Tunisie au cours du week-end. Elle était ancrée à 600 mètres au large du port de Sidi Bou Saïd lorsqu'elle a signalé qu'un bateau avait, selon elle, été touché par un drone. Aucune membre de la flottille n'a été blessé.
Les organisateurs de la flottille, qui transporte des militants propalestiniens dont Greta Thunberg, ont déclaré que le Family Madeira, bateau battant pavillon portugais et surnommé par la flottille "Family Boat", avait été pris pour cible par un drone alors qu'il se trouvait dans les eaux tunisiennes.
Plusieurs vidéos documentent la scène. D’après ces images et l’analyse d’un expert sollicité par la rédaction des Observateurs de France 24, il est probable que le bateau ait été frappé par un projectile incendiaire, largué depuis un drone commercial ou grand public – plutôt qu'un drone militaire. Si les membres de la flottille ont suggéré qu'Israël pourrait être à l'origine de l'attaque, ce type de technologie est en tout cas largement accessible au public.
Les autorités tunisiennes ont démenti les allégations selon lesquelles le bateau aurait été touché par un drone, affirmant au contraire que l'incendie s'était déclaré à bord même du navire.
Une vidéo de surveillance filmée depuis un autre navire de la flottille montre un engin incendiaire tombant verticalement sur le Family Madeira depuis une hauteur d'au moins trois mètres, créant un éclair lumineux, tandis que des cris sont entendus depuis le navire. D'autres vidéos filmées à bord du navire montrent un incendie se déclarer. Aucun drone n'est visible dans les vidéos de surveillance, qui sont filmées à partir de caméras à angle fixe.
"Cette vidéo correspond au type de drone utilisé pour larguer des munitions"
Sollicité par la rédaction des Observateurs de France 24, Roy Gardiner, enquêteur en ligne spécialisé dans l’analyse de drones utilisés à des fins militaires, a analysé les images. Pour lui, il s’agit d’un drone qui a largué un objet incendiaire.
"Dans la vidéo principale de l'incident, on voit un objet enflammé tomber presque verticalement du ciel. Les drones utilisés dans des conflits comme celui en Ukraine explosent généralement au contact d’une autre surface ou larguent de petites bombes.
Mais on voit également des drones utilisés pour larguer des munitions incendiaires, et cette vidéo correspond à ce type de drone. Ces drones n'ont pas besoin d'être très grands, et l'objet aurait été enflammé dès son largage depuis le drone."
Dans une interview, un participant de la flottille a décrit un drone volant à environ quatre mètres au-dessus du bateau avant de "larguer une bombe sur un tas de gilets de sauvetage" situé à l'avant du bateau.
Roy Gardiner poursuit :
"D'après les témoignages oculaires et les images vidéo disponibles, c'est exactement ainsi qu'un drone lanceur de bombes fonctionnerait. Il survole la cible pour garantir un largage extrêmement précis.
Il est peu probable que quelqu'un puisse mener une attaque aussi précise par hasard, je pense donc que le pilote du drone avait déjà de l'expérience. Ce n'est pas quelque chose de facile à faire. Le pilote pouvait se trouver à une distance de cinq à six kilomètres."
La Global Sumud Flotilla a publié deux vidéos de surveillance provenant du Family Madeira. À 0'10 dans la vidéo du haut (horodatage 00:29:45), un membre d'équipage lève les yeux comme s'il voyait quelque chose. Deux secondes plus tard, à 00:29:47, un objet incendiaire tombe sur le bateau. La vidéo du bas montre la même scène sous un angle différent.
"Il est trop tôt pour dire à qui appartiennent ces drones, mais nous savons très bien qui cible depuis longtemps les missions humanitaires à Gaza", a déclaré un porte-parole de la flottille, suggérant qu’Israël était à l’origine de l’incident.
"L'utilisation d'une technologie de bas niveau pourrait être un choix délibéré"
Pour Roy Gardiner, la technologie rudimentaire utilisée dans cette attaque est facilement accessible au grand public :
"Les drones grand public tels que le DJI Mavic 3, disponibles dans le monde entier, sont capables d'effectuer ce type de missions. Ils sont très silencieux, faciles à acheter et relativement simples à piloter, surtout par rapport aux drones FPV (drones à vue subjective) largement utilisés en Ukraine, qui sont beaucoup plus difficiles à piloter.
Il existe des méthodes standard et bien connues pour modifier ces drones commerciaux afin qu'ils puissent larguer des charges utiles. Un mécanisme de largage basique, imprimé en 3D, qui peut être fixé au drone, est couramment utilisé en Ukraine. Les plans de ces dispositifs sont régulièrement partagés sur des chaînes Telegram.
L'appareil utilisé dans ce cas était petit et l'attaque n'était pas mortelle. Elle n'a pas causé de dommages importants. Mais on ne peut exclure la possibilité qu'un gouvernement soit derrière tout cela. L'utilisation d'une technologie de bas niveau pourrait être un choix délibéré visant à susciter un déni plausible, tout en lançant un avertissement."
Des allégations d'attaques de drones contre des navires humanitaires à destination de Gaza ont déjà eu lieu par le passé. En mai, la Freedom Flotilla avait affirmé que son navire The Conscience avait été frappé par un drone au large des côtes de Malte.
En 2010, des commandos israéliens avaient tué dix personnes lorsqu'ils avaient abordé le Mavi Marmara, un navire turc à la tête d'une flottille humanitaire à destination de Gaza.
En août, un organisme soutenu par l'ONU a affirmé que la famine s'installait à Gaza. Pour Tom Fletcher, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, cette famine est la conséquence directe de "l'obstruction systématique" par Israël de l'acheminement de l'aide dans la bande de Gaza. Les responsables israéliens continuent de nier l'existence d'une famine à Gaza.