La narratrice de ce premier roman s’appelle Eleonora, comme l’auteur. Elle revient sur sa rencontre avec Zoé. Une femme au caractère bien trempé, belle, indomptable et parfois insupportable, comme peuvent l’être les gens à qui tout réussit. La vie de Zoé va pourtant basculer le jour où elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer difficilement curable. Peu à peu, la magie des premiers jours va se transformer pour elle et pour ses amies, dont la narratrice, enceinte, en une sorte d’enfer quotidien dont il sera difficile de ressortir indemne.
C’est une histoire très intense, à la fois comique et tragique, comme son personnage principal, et qu’on dévore d’une traite jusqu’au dénouement. Entretien avec la plus française des Italiennes, qui s’est fait connaître en France avec un seul en scène intitulé Dévorante, et qui sera à l’affiche du Bourgeois Gentilhomme avec Jean-Paul Rouve le 3 octobre au Théâtre Antoine.
Passer la publicitéLe FIGARO. - Cette histoire est-elle totalement autobiographique ?
ELEONORA GALASSO. - Oui, c’est l’histoire d’une amitié absolue, en quête de reconnaissance perpétuelle. Effectivement, je parle dans ce livre de ma grande amie Zoé, disparue. Il faut savoir que Zoé, étymologiquement en grec, signifie « la vie ». Donc c’est effectivement la vie selon la vie ! Et cette femme avait un avis sur tout. Elle était effectivement envoûtante, charmante, irrésistible et pourtant très repoussante. Ces deux éléments étaient indissociables à chaque étape de cette amitié qui a jailli environ dix ans avant sa mort.
Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile dans l’écriture de ce premier livre ?
Ce qui était le plus difficile est sans doute ce qui touche à la vérité que j’avais à dire sur elle. Parce que, lorsque j’accompagnais Zoé, j’étais animée par une série d’émotions dites non orthodoxes. La haine, une forme de persécution, des troubles nerveux… Elle me fatiguait. Et, à un moment, j’ai même voulu qu’elle en finisse au plus vite, parce qu’elle était devenue un poids avec son déni, avec tous ses tumultes, et avec tout ce qu’elle me montrait, d’infiniment douloureux de moi-même, que je ne voulais pas voir.
Y avait-il quelque chose de toxique dans cette relation ou faut-il parler d’ensorcellement, d’emprise ?
Passer la publicitéCe que j’ai envie d’explorer, et que je n’ai peut-être pas encore entièrement compris, c’est la nature des relations humaines. Qu’est-ce qui nous arrive lorsque nous décidons d’élire une personne plutôt qu’une autre ? C’est une question d’un irrationnel total parce que c’est une conviction qui nous arrive des entrailles, d’un lieu absolument mystérieux. La promesse de l’amour est celle de la souffrance, mais dans l’amitié, la promesse est celle de la jouissance. On se voit pour passer des bons moments ensemble, pour se côtoyer de manière agréable. Dans le cas de Zoé, la promesse de l’amitié a dépassé toutes les bornes. Et, là aussi, j’ai aimé explorer la question de ces bornes.
Le fait de faire revivre Zoé sur le papier aujourd’hui, c’est une manière de lui rendre hommage ou de s’en éloigner ?
Les deux à la fois. Parce que rien n’est jamais totalement blanc ou noir et que nous sommes beaucoup plus conflictuels que nous ne le croyons. Effectivement, j’ai tout essayé. J’ai essayé de m’emparer d’elle, j’ai essayé de lui faire un tombeau. Et puis je me demandais s’il y avait quelqu’un, là, dehors… Cette histoire, c’était une amitié rocambolesque : on a fait les quatre cents coups et, même dans le malheur, on s’amusait immensément. J’espère que c’est restitué dans le livre, que toutes les pages gothiques voleront un sourire au lecteur.