Mission, budget, hiérarchie... Qu’est-ce qu’un «haut-commissariat» ?
Après le haut-commissariat à la Réforme des retraites, puis le haut-commissariat au Plan, Emmanuel Macron s’apprête à créer un haut-commissariat à l’Enfance dans le courant du mois de janvier 2025. Le chef de l’État semble affectionner cette structure pourtant peu utilisée sous la Ve République. Avant lui, seuls Nicolas Sarkozy et le général de Gaulle avaient nommé des hauts-commissaires, renouant avec une pratique répandue sous la IIIe.
● À quoi sert un haut-commissaire ?
La création d’un haut-commissariat peut permettre de «souligner l’importance donnée à une question particulière», explique Marc Frangi, maître de conférences en droit public à Sciences Po Lyon et auteur en 2008 d’un article sur le sujet dans la Revue française de droit constitutionnel. Ce fut funestement le cas du «Commissariat général aux questions juives» sous Vichy, mais aussi du Commissariat à l’énergie atomique, créé en 1945 dans un monde marqué par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Le commissariat général au Plan, institué après la Seconde Guerre mondiale pour moderniser le pays et son économie, reste l’exemple le plus emblématique.
La nomination d’un haut-commissaire peut également avoir pour but de «gérer un territoire récemment libéré, colonisé ou d’outre-mer». Après la libération de l’Alsace-Lorraine en 1918, un haut-commissaire avait été chargé d’organiser sa réintégration au territoire français. Les colonies françaises ont longtemps été sous la direction d’un haut-commissaire, tandis que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont encore aujourd’hui supervisées par un haut-commissaire de la République.
● De nature administrative ou bien gouvernementale
Pour l’instant, la nature du futur haut-commissariat à l’Enfance n’est pas tranchée. Il pourra au choix être administratif ou gouvernemental. Dans la première hypothèse, le haut-commissaire est «un fonctionnaire appartenant au sommet de la hiérarchie mais demeurant dans l’exercice de compétences administratives et non de nature politique», souligne Marc Frangi. Cela permet notamment d’éviter que les commissariats soient remis en cause par les alternances politiques, comme c’était le cas de François Bayrou (Plan). Il n’empêche, des membres du gouvernement ont eu le titre de haut-commissaire, comme par exemple Jean-Paul Delevoye (Retraites). Dans ce cas de figure, les intéressés apparaissent en bas de l’ordre protocolaire.
● Une fonction récurrente dans les gouvernements de la IIIe République
Sous la IIIe République, plusieurs hauts-commissaires «politiques» ont été nommés : auprès du Gouvernement britannique ; aux États-Unis ; au Logement ; à l’Aéronautique ; à la Guerre ; en Syrie et au Liban... Cette pratique est pourtant tombée en désuétude sous la IVe République, avant de faire un timide retour au début de la Ve. Dans le gouvernement de Michel Debré, le gaulliste Maurice Herzog avait été nommé haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports.
Il faudra attendre près de cinquante ans pour que la fonction de haut-commissaire fasse son retour au gouvernement. En 2007, François Fillon, alors premier ministre de Nicolas Sarkozy, fait de Martin Hirsch son haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté. Espérant mener à bien son projet de réforme visant à instituer une retraite par points, Emmanuel Macron avait nommé en 2019 Jean-Paul Delevoye haut-commissaire aux Retraites dans le gouvernement d’Édouard Philippe.
● Le plus souvent sous l’autorité du premier ministre
Lorsqu’ils font partie de l’exécutif, «les hauts-commissaires ont toujours été directement placés sous l’autorité directe du chef du gouvernement», note Marc Frangi. À l’exception de Jean-Paul Delevoye qui relevait de la ministre des Solidarités et de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn. À la manière d’un secrétaire d’État, les hauts-commissaires participent uniquement au Conseil des ministres lorsque des sujets liés à leur domaine y sont évoqués.
● Avec quel budget ?
D’un commissariat à l’autre, les budgets varient sensiblement. En 2023, le haut-commissariat au Plan disposait d’une enveloppe de 1,9 million d’euros, tandis que le commissariat à l’Énergie atomique pouvait s’appuyer sur 6 milliards d’euros. Reste à savoir quel budget sera dédié au futur haut-commissariat à l’Enfance. Dans le projet de loi de finances pour l’année 2025, l’enveloppe allouée à la protection et l’accompagnement des enfants s’élevait à 400 millions d’euros.