Harcèlement sexuel, pacte avec la Chine... : une ancienne cadre de Facebook dénonce les travers de l’empire de Mark Zuckerberg

Quatre ans après Frances Haugen, à l’origine des « Facebook Files », Sarah Wynn-Williams entend bien, elle aussi, jouer les lanceuses d’alerte contre l’empire de Mark Zuckerberg. Dans un livre publié ce mardi aux États-Unis (Careless People: A Cautionary Tale of Power, Greed, and Lost Idealism, Flatiron), l’ancienne directrice des affaires publiques de Facebook dénonce la mise en place d’un système de censure pour permettre à l’entreprise d’obtenir l’autorisation d’opérer en Chine. Facebook aurait même envisagé d’autoriser Pékin à accéder aux données de ses utilisateurs en Chine. Un pays où Facebook était interdit depuis 2009, Instagram depuis 2014. Après avoir créé une filiale locale, Mark Zuckerberg avait finalement renoncé à opérer dans le pays cinq ans plus tard.

Ce n’est « pas un secret que nous avons été un jour intéressés » par une implantation en Chine, a réagi un porte-parole de Meta, le nouveau nom de Facebook. « Nous avons finalement choisi de renoncer à cette idée », a-t-il poursuivi, avant de renvoyer à une déclaration de Mark Zuckerberg datant de 2019 : « Nous n’avons jamais pu accepter ce qu’il nous faudrait faire pour opérer là-bas, et la Chine ne nous a jamais laissés entrer ». Depuis, le patron de Meta, qui a prêté allégeance à Donald Trump, a fait de la défense de la liberté d’expression l’un de ses thèmes favoris.

Les accusations de cette Néo-Zélandaise, diplomate de formation, licenciée par Facebook en 2017 après sept années passées dans l’entreprise, font partie d’une plainte de 78 pages déposée en avril dernier auprès de la SEC, le gendarme américain de la Bourse.

« Projet Aldrin »

Dans sa plainte, consultée par le Washington Post, Sarah Wynn-Williams accuse Mark Zuckerberg d’avoir menti devant le Congrès au sujet de la Chine. Elle écrit que Facebook a formé une équipe en 2014 pour développer une version de la plateforme conforme aux lois chinoises, sous le nom de code « Projet Aldrin », en référence au deuxième homme à avoir marché sur la Lune. L’entreprise prévoyait même de nommer un « rédacteur en chef » autorisé à censurer le contenu de la plateforme, voire à la fermer en cas de périodes d’« agitation sociale ».

Facebook aurait aussi envisagé, lors de ses discussions avec les officiels chinois, de permettre à une société de capital-investissement chinoise, Hony Capital, d’examiner les contenus publiés par les utilisateurs dans le pays, mais aussi d’embaucher des centaines de modérateurs pour éliminer les contenus négatifs.

De telles accusations ne sont pas complètement nouvelles. Elles avaient déjà, en partie, été portées en 2016 par le New York Times.

Ambiance « malsaine et misogyne »

Reste que ce supposé pacte avec Pékin n’est pas le seul pavé dans la mare jeté par l’ancienne cadre de Facebook. Dans son livre, Sarah Wynn-Williams - qui s’est confiée lundi sur la chaîne NBC - dénonce une ambiance « malsaine et misogyne » au sein de l’entreprise, basée à Menlo Park (Californie). Pour elle, Mark Zuckerberg, Sheryl Sandbergh, son ancien bras droit, et les autres dirigeants de Facebook sont des gens « insouciants, irresponsables et égoïstes, motivés uniquement par le gain ». Elle déplore qu’ils n’aient pas fait suffisamment en faveur de la sécurité des jeunes sur les réseaux sociaux. « Il s’agit de l’une des entreprises les plus puissantes au monde, estime-t-elle dans un entretien à la BBC. Elle pourrait investir dans ce domaine, en faire une véritable priorité et s’efforcer davantage de résoudre ce problème ».

Elle ne se prive pas d’étriller Mark Zuckerberg, qui ne se levait pas avant midi, sa passion pour le karaoké et les jeux de société, en particulier Risk. «Je n’avais pas compris que nous étions censés le laisser gagner, j’étais un peu naïve », confie-t-elle à la BBC. Elle décrit aussi son désir de façonner une « autocratie » ainsi que sa transformation progressive, de la technologie vers... la politique.

Employée licenciée

Enfin, elle accuse Joel Kaplan, qui était à l’époque son patron, de harcèlement sexuel. Kaplan n’est pas un inconnu du paysage politique. Ce fervent soutien de Donald Trump est devenu en fin d’année dernière le nouvel homme fort de la communication de Meta. L’entreprise de Mark Zuckerberg a réagi en rappelant qu’une enquête avait été ouverte à l’époque et que Joel Kaplan avait été blanchi en 2017.

« Nous n’avons pas vu le livre, mais cette ancienne employée a été licenciée en 2017 et une enquête menée à l’époque a révélé qu’elle avait fait de fausses déclarations », a encore réagi un porte-parole de Meta qui estime que son ancienne cadre a été payée par des « militants anti-Facebook » et ne peut en rien être considérée comme une lanceuse d’alerte.