La production agricole face au réchauffement climatique
Gérard le Puill
Sous prétexte de contrer les conséquences pour l’Union européenne de la mise en place de
nouveaux tarifs douaniers par les Etats-Unis, la Commission européenne et plusieurs pays membres
de l’Union veulent accélérer la mise en place de l’accord de libre échange avec les pays du Mercosur.
Au risque de favoriser la déforestation en Amazonie dans le seul but d’augmenter les exportations
de soja et de viande en Europe
Après avoir brièvement évoqué le contenu du rapport de l’observatoire européen Copernicus
publié le 15 avril et prévoyant un réchauffement climatique global de +4°C sur le continent
européen en 2100 par rapport aux températures moyennes du XIXème siècle, la presse écrite et les
médias audiovisuels sont vite passés à autre chose, à commencer par les droits de douane que
promet Donald Trump et dont le contenu évolue de jour en jour. L’Allemagne, les Pays Bas,
l’Espagne et certains pays d’Europe centrale affirment vouloir signer l’accord de libre échange
conclu l’automne dernier entre la Commission européenne et les pays du Mercosur en Amérique du
sud. En France, le président Macron a redit récemment qu’il n’était pas favorable à la signature de
cet accord en l’état. Il reste à voir s’il conservera cette position dans les prochains mois. Dans une
déclaration rendue publique le 18 avril, la FNSEA « réaffirme son opposition ferme à cet accord et
alerte sur les risques d’un glissement politique européen ». Tous les autres syndicats paysans se
disent également hostiles à cet accord de libre échange avec le Mercosur.
S’il entre en application, cet accord fera croître les exportations sud américaines de soja, de maïs et
de viandes en Europe, en réduisant la superficie de la forêt amazonienne qui capte déjà de moins
en moins de carbone. La France a importé une moyenne de 3,5 millions de tonnes de soja par an des
pays d’Amérique du sur entre 2012 et 2022. Ce soja importé entre dans l’alimentation des poules
pondeuses, des volailles de chair, des porcs, des vaches laitières et des bovins à l’engraissement. Le
soja est plus riches en protéines végétales que le maïs et l’orge, voire certains blés servis au bétail,
faute de débouchés suffisants pour produire du pain.
Le bilan carbone désastreux des aliments importés
Le soja importé est très utilisé aux Pays Bas, en Espagne, en Irlande, en Belgique, au Danemark et
dans certains pays d’Europe centrale membres de l’Europe des 27. Grâce aux importations de soja,
les Pays Bas exportent beaucoup de produits laitiers dans d’autres pays membres de l’Union
européenne et même de la viande bovine provenant notamment des vaches laitières de réforme.
De la même manière, l’Espagne exporte beaucoup de viandes porcines et de volailles en France et
dans d’autres pays membres de l’Union après les avoir gavé de soja et de maïs importés
d’Amérique du sud. Du coup, plus de 50% de la viande de volaille consommée en France est
importée désormais alors que notre pays est le premier producteur de céréales de l’Union
européenne. Ces viandes volailles importées sont surtout servies dans la restauration collective.
Elles sont également vendues à la découpe dans les linéaires de la grande distribution sous forme
de filets, de cuisses et de pilons. Concernant le poulet entier, les ménages achètent très
majoritairement l’origine France en magasin, dès lors qu’elle et visible sur l’emballage.
Lorsque l’on met bout à bout les importations de soja et de viandes sur un an par la France, on
découvre que cela provient de 1,5 million d’hectares dans les pays exportateurs. Cela donne une
idée du recul de la forêt amazonienne en superficie quand on sait que d’autres pays membres de
l’Union européenne importent encore beaucoup plus de soja et de maïs pour nourrir le bétail. Pour
nos volailles granivores et nos porcs , il est possible de produire davantage de soja dans plusieurs
régions de France , quitte à réduire les superficies consacrées au blé tendre qui peine à trouver des
débouchés et des prix rémunérateurs depuis que l’Union européenne permet à l’Ukraine d’exporter
son blé sans droits de douane dans les 27 pays membres de l’Union européenne.
Capter l’azote de l’air pour en faire un fertilisant
Produire plus de soja en France permettrait aussi d’allonger les rotations des cultures annuelles dans
les parcelles. On peut cultiver successivement des betteraves pour produire du sucre, du blé pour
produire du pain, du colza pour produire de l’huile, de l’orge pour produire de la bière et des
aliments du bétail, du soja pour fournir des protéines végétales. Alors que les mots « souveraineté
alimentaire » figurent depuis 2022 dans la fonction officielle du ministre de l’Agriculture en France,
cela doit aussi passer par une Politique Agricole Commune (PAC) qui cible les aides à l’agriculture
afin favoriser cette diversification des cultures et tendre vers plus de souveraineté dans chaque
pays membre de l’Union avec un bilan carbone en baisse.
S’agissant des herbivores que sont les vaches laitières, les vaches allaitantes, les brebis et les
chèvres, il est possible de réduire la part du soja dans leur ration alimentaire quotidienne. Il suffit
pour cela de semer les prairies d’un mélange équilibré de graminées et de légumineuses, comme
par exemple, semer du ray-grass et du trèfle blanc. Les variétés de trèfle, tout comme la luzerne,
sont des légumineuses qui captent l’azote de l’air sur leurs racines et en font un fertilisant pour
elles mêmes, comme pour la culture associée. Cette pratique agronomique permet de réduire
l’utilisation des engrais azotés dont la production et l’épandage émettent des gaz à effet de serre.
Là encore, un ciblage intelligent des aides européennes permettrait de produire de manière plus
écologique sur le sol européen et de réduire en même temps les importations de soja.
Notons pour finir qu’en décembre 2025 doit être mise en place une directive européenne identifiée
par le sigle RDUE. Elle imposera aux entreprises importatrices de soja et d’autres denrées de
garantir que les produits qu’elles importent ne proviennent pas de zones soumises à la
déforestation dans les pays exportateurs. Dans la mesure où l’Europe des 27 est seule à formuler
cette exigence, il sera facile de la respecter tout en continuant de détruire des forêts pour exporter
du soja, du maïs et des viandes dans les pays qui ne formuleront pas cette exigence. Faut-il voir là
un signe d’incompétence de l’actuelle Commission européenne présidée depuis 2019 par Ursula
Von der Leyen ? Il appartient à chacun des faire une opinion. On sait, en revanche, qu’elle a obtenu
du président Macron qu’il ne reconduise pas Thierry Breton en 2024 pour un second mandat.
Bien que libéral lui aussi, il contestait certaines prises de positions souvent incohérentes de l’actuelle
présidente de la Commission .
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