La guerre en Ukraine au cœur de deux documentaires au festival de Sundance

Sur le front aux côtés des soldats ukrainiens ou à l'arrière, dans les écoles russes où les élèves sont abreuvés de propagande nationaliste pour justifier la guerre, le conflit qui déchire l'Europe se projette au festival américain de Sundance.

Deux documentaires, 2.000 mètres vers Andriïvka, du nom d'un village ukrainien repris de haute lutte en septembre 2023 puis reperdu, et M. Personne contre Poutine, sont à l'affiche du festival du film indépendant qui se tient chaque année à Park City, dans l'Utah.

"Expliquer comment vivent les soldats dans une zone de guerre"

Le premier, œuvre du réalisateur ukrainien Mstyslav Chernov - lauréat d'un Oscar pour le film 20 jours à Marioupol - montre le coût sanglant de la reconquête du village, résumé à une unique rue de bâtiments en ruines criblés d'impacts.

Se plaçant cette fois non plus du point de vue des civils assiégés mais des combattants, Mstyslav Chernov a utilisé les caméras de leurs casques. Avec son équipe, ils se sont incorporés aux troupes ukrainiennes lors de leur contre-offensive en septembre 2023, rampant à travers une mince zone boisée entourée de champs de mines vers Andriïvka.

Le réalisateur confie avoir été "inquiet que les gens ne voient pas au-delà du bang bang" de son documentaire, qui peut se regarder comme un pur film d'action, salué par une ovation debout lors de sa projection au festival. Son ambition est "d'expliquer comment vivent les soldats dans une zone de guerre", déclare Mstyslav Chernov à l'AFP. On y voit ainsi les préoccupations quotidiennes, l'humour noir et la détermination absolue des combattants de la 3e brigade d'assaut, dont beaucoup ont péri depuis, souligne-t-il.

La propagande russe dans les écoles dévoilée au grand jour

C'est à une tout autre réalité de la guerre, 2.000 kilomètres plus à l'est, loin du front, que s'attaque le film M. Personne contre Poutine.

À la suite de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022 sur ordre du président Vladimir Poutine, à travers la Russie toutes les écoles ont reçu un nouveau programme "patriotique". Les enfants y apprennent que l'Ukraine pullule de "néonazis", que les sanctions de Moscou ont mis les économies occidentales à genoux, ainsi que l'histoire des différentes armes de fabrication russe.

Pavel Talankine, le coordinateur des activités d'une de ces écoles, a ainsi dû sur instruction des autorités filmer ces séances et envoyer ses images pour s'assurer que les consignes étaient bien respectées. Mais sous le manteau, il travaillait avec David Borenstein, un réalisateur américain, pour révéler au monde la campagne menée par le gouvernement russe vis-à-vis de sa jeunesse.

Le résultat de cette collaboration est ce documentaire montrant des concours de lancers de grenades pour enfants, avec une médaille pour les vainqueurs, et des récitations de célèbres victoires militaires russes à partir d'antisèches dissimulées sous les pupitres des élèves. "Ce que vous voyez dans le film c'est fondamentalement ce que le régime, ce que Poutine dit aux enfants de Russie tous les jours", a expliqué à l'AFP David Borenstein. "Et il ne s'agit pas que de l'Ukraine. Cela porte sur la guerre perpétuelle, sur une idéologie impériale. C'est une idéologie militariste qui doit se prolonger même après cette guerre", affirme-t-il.

Le documentaire, dont le Kremlin n'a eu vent que récemment, vaut déjà à ses auteurs des attaques de la part de blogueurs nationalistes russes, ajoute David Borenstein.