«Bombe sociale», «flicage des pauvres»... À droite comme à gauche, la polémique enfle autour des découverts bancaires

«Alerte ! Être à découvert sera bientôt interdit !» La France insoumise, par la voix de Jean-Luc Mélenchon mardi 28 octobre, a sonné la bataille contre une ordonnance discrètement publiée au Journal officiel début septembre, qui vient durcir la réglementation autour du découvert bancaire. «Les clients d’une banque devront demander une autorisation à chaque fois qu’ils en ont besoin», s’alarme l’ancien candidat à la présidentielle, même si la Fédération bancaire française (FBF) assure que ce ne sera pas le cas.

La mèche allumée, des élus de droite comme de gauche se sont insurgés ces deux derniers jours contre ces nouvelles règles, qui seront applicables à partir du 20 novembre 2026. Ces dernières sont issues d’une directive européenne d’octobre 2023, qui fait entrer le découvert bancaire dans le cadre du crédit à la consommation. Mathilde Panot (LFI) a qualifié cette réglementation de «bombe sociale», s’appuyant sur le dernier baromètre de la précarité du Secours populaire et Ipsos, qui montre que 15% des Français vivent à découvert. «On ne vit pas par plaisir à découvert», a souligné Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. Celui qui dit se préparer pour la prochaine élection présidentielle en 2027 assure avoir «saisi le ministre de l’Économie» pour que la directive européenne ne s’applique pas telle que prévue, demandant «un nouveau texte de transposition».

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«Flicage des pauvres»

Le maire (LR) de Cannes, David Lisnard, a quant à lui fustigé une «dérive technocratique» de l’Union européenne qui «infantilise les citoyens». «Il faut n’avoir jamais vécu dans la vraie vie et jamais galéré pour ne pas voir qu’on enfonce un peu plus les gens modestes.» «Cette mesure va aggraver la précarité financière de nombreux ménages, les forçant à jongler entre les factures et les imprévus», a dénoncé sur X l’eurodéputé RN Christophe Bay.

«C’est une mesure de flicage des pauvres», a quant à elle dénoncé la députée LFI Clémence Guetté, s’inquiétant que les ménages les plus modestes n’aient plus accès au découvert. Elle a annoncé que son groupe allait déposer une proposition de loi pour supprimer cette mesure… qui séduit même le maire divers droite de Béziers Robert Ménard. Celui-ci a assuré sur BFMTV qu’il aurait pu voter cette proposition de loi LFI s’il était député.

Le gouvernement, lui, marche sur des œufs et tente de faire de la pédagogie, se voulant rassurant. «La transposition a un impact limité par rapport à ce qui existe actuellement en matière de découverts», assure le ministère de l’Économie dans un communiqué transmis ce jeudi 30 octobre. Bercy, comme la Fédération bancaire française, assure que le seul changement majeur concerne l’obligation de mener une analyse de solvabilité avant d’accorder les petites autorisations de découvert de moins d’un mois et de moins de 200 euros. Elles n’étaient pas formellement concernées jusque-là, même si les banques disaient déjà ne pas accorder ces autorisations automatiquement.

Une directive unanimement adoptée au Parlement européen

La plupart des politiques ayant fustigé cette mesure s’en sont pris à Emmanuel Macron et à l’UE. «Privation imposée par l’Europe» pour Jean-Luc Mélenchon, «scandale qu’est en train de nous imposer l’Europe» pour Xavier Bertrand... La directive européenne transposée en droit français par l’ordonnance de la discorde visait plus globalement à mieux encadrer les crédits à la consommation pour éviter le surendettement. Elle a pourtant été adoptée à la quasi-unanimité par le Parlement européen - élu au suffrage universel direct - en 2023, y compris par les élus des partis français qui s’y opposent aujourd’hui.

Dans le détail des votes consultable sur le site du Parlement européen, on peut voir que les élus LFI (Manon Aubry, Emmanuel Maurel...), socialistes (Raphaël Glucksmann, Sylvie Guillaume...), Renaissance, LR (François-Xavier Bellamy, Nadine Morano...) ou encore RN (Thierry Mariani, Philippe Olivier...) ont bien voté en faveur de ce texte. L’eurodéputé RN Jordan Bardella est le seul à faire partie de la minorité de huit élus qui ont voté contre le texte, bien que le reste de son groupe ait voté pour. Sur son site, Manon Aubry se justifiait alors d’avoir voté un texte qui, selon elle, «qui va dans le sens d’une meilleure protection des consommateurs».