« Va voir les appliques dans la salle de bains», nous glisse à l’oreille Loïc Prigent alors que la petite quarantaine d’invités du défilé Jacquemus s’installe au 7e étage du 51 rue Raynouard. Soit l’immeuble construit par Auguste Perret (l’architecte du béton et du Havre) en 1932 et, plus exactement, les appartements privés où il vécut jusqu’en 1954. «Un rêve de Parisien», ajoute notre ami journaliste. Musique jazz, encens brûlant dans les pièces, bronze de Maillol posé au centre du salon (un ajout du directeur artistique, amoureux du sculpteur), un Poche de L’Amant de Lady Chatterley laissé négligemment ouvert sur le bord de la baignoire... Dehors, le ciel de Paris est bien gris.
Oui c’est bien un rêve de Parisien et la plus Parisienne de toutes, Audrey Tautou-Amélie Poulain, ne nous contredira pas. On dit que l’actrice discrète dans ce type de mondanités a rencontré le jeune Simon alors qu’il était vendeur dans la boutique Comme des Garçons du Faubourg Saint-Honoré. Il y a aussi Pamela Anderson qui était déjà l’invitée de son défilé «Le Raphia» de l’été 2023. Inès de la Fressange qui le suit depuis un moment et que le designer adore habiller comme le fit bien avant lui son idole de toujours Karl Lagerfeld. Même chose pour Carla Bruni, devenue une fidèle, Anna Wintour, l’un de ses fervents soutiens, ou encore, François Civil.
Autre surprise du jour, le show est filmé par des iPhones stratégiquement placés sur des trépieds. L’un d’entre eux, posé dans la salle de bains, capture l’entrée en scène des 41 mannequins de ce printemps-été (et donc déjà en partie en boutique). Des formes pures, des dos cocons, du blanc, du noir, des organzas, des bustiers, des jupes longues piquées de plumes de laine noir, de longues tuniques à rayures jaunes, blanches et grise évoquant Marilyn Monroe, des sandales en cuir jaune tressé scoubidou... « L’an dernier j’ai passé beaucoup de temps aux États-Unis avec l’ouverture de nos boutiques à New York et Los Angeles et je pensais aux couturiers français qui m’avaient précédé, qui avaient franchi l’Atlantique, à Christian Dior, à Coco Chanel, raconte le designer quelques minutes après le défilé. C’est ce lien entre la couture parisienne et les icônes américaines, comme Marilyn, avec les soutiens-gorges années 1950, qui m’a donné envie d’aller loin dans la sophistication de cette collection. La robe toute en plumes brodées par Lesage est d’ailleurs digne de la couture en termes de savoir-faire et de sophistication.»
Arpentant le sublime parquet d’époque, Christy Turlington, Eva Herzigova, Doutzen Kroes, Liya Kebede «habitent» littéralement cette collection au classicisme presque naïf assumé, évoquant le New Look de Dior et l’âge d’or d’un Cristobal Balenciaga. Seul bémol, certains looks rappellent trop littéralement le travail de Pieter Mulier chez Alaïa (qui influence un peu toute la mode en ce moment). Et chez Jacquemus, on préfère voir du Jacquemus, à l’image de sa veste Ovalo sublime en blanc, ses silhouettes sablier organiques, la fraîcheur de cette longue robe en popeline qui ouvre le défilé.