Les médecins généralistes délaissent les déserts médicaux. Selon les chiffres de l’Observatoire de l’accès aux soins de l’Assurance-maladie, seulement 579 nouvelles installations de généralistes dans les «zones sous-denses» ont été enregistrées sur les douze derniers mois (mesurés au 30 juin 2025). Un «point bas», souligne-t-il, ce chiffre étant en baisse de 1,7% par rapport aux douze mois précédents. Sur la période 2020-2024, le nombre d’installations annuelles dans ces territoires en tension était «relativement stable», oscillant entre 580 et 640 par an.
Au global, l’année dernière, le nombre de nouveaux médecins s’installant en tant que médecins traitants a lui-même nettement reculé. Ils étaient 2130 en 2024, «soit un recul de 9,8%», selon les chiffres de l’Observatoire de l’accès aux soins. La tendance était pourtant à la hausse au cours de la dernière décennie. Cette baisse observée en 2024 est ainsi symptomatique d’un désintérêt croissant pour la fonction.
Passer la publicité«Davantage d’étudiants sortent des universités, et on se demande pourquoi ils ne s’installent pas», déplore le docteur Charles-Henry Guez, vice-président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Dissuadés par les horaires à rallonge et le côté solitaire de l’exercice libéral, les jeunes médecins souhaitent davantage travailler en équipe. «Rares sont les médecins qui acceptent encore de faire des semaines de 70 heures», observe le docteur Philippe Paranque, président de SOS Médecins.
Le manque de formation en gestion est également problématique. «Mes étudiants s’inquiètent de leur méconnaissance du fonctionnement d’une entreprise : la gestion des salariés, des charges, de la location d’un cabinet, etc.», explique Charles-Henry Guez. Beaucoup préfèrent donc opter pour des carrières hospitalières, salariées ou spécialisées, où la charge de travail est jugée plus prévisible et mieux encadrée. Résultat : sur les 241.255 médecins en activité en 2025, la proportion de médecins généralistes est de 42,3%, contre 48% en 2010, d’après le Conseil national de l’Ordre des médecins.
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Hausse du nombre moyen de patients suivis par les généralistes
Une baisse qui se ressent sur la densité des médecins libéraux dans l’Hexagone. La proportion de généralistes par tranche de 100.000 habitants se dégrade continuellement, l’augmentation globale du nombre de médecins peinant à rattraper celle de la population : elle est passée de 156 à 146 entre 2012 et 2024 en France métropolitaine, d’après l’Insee. Les données de l’Assurance-maladie montrent ainsi une nette augmentation du nombre moyen de patients suivis par les généralistes : «898 patients en 2017 contre 1033 en 2024 (+15%)».
Un phénomène qui ne se manifeste pas de façon uniforme dans l’Hexagone. Certains départements sont relativement épargnés, quand d’autres voient leurs effectifs de médecins fondre. Les statistiques de l’Insee révèlent par exemple une tendance à l’augmentation de la densité de généralistes (par habitant) sur les littoraux et dans les zones frontalières du Sud-Est.
Quel que soit le département, ce sont les patients âgés atteints de maladie chroniques qui risquent de ressentir le plus fortement la baisse des installations des nouveaux médecins. «Quand un praticien s’en va, ce sont parfois 1500 patients qui se retrouvent sur le carreau», insiste Philippe Paranque. Si les services d’urgence peuvent prendre en charge ponctuellement les patients sans médecin traitant, «le 15 ne répond pas à la situation des personnes âgées dépendantes qui se retrouvent brutalement en rupture de suivi lorsqu’un médecin part à la retraite», alerte-t-il. Avec l’augmentation constante de la proportion de médecins de plus de 60 ans – passée de 18,4% à 30,4% en quinze ans selon le Conseil national de l’Ordre des médecins -, la question de la continuité des soins se fait plus pressante que jamais.