Investiture de Donald Trump : quel impact pour les pays alliés d'Asie du Sud-Est en conflit avec la Chine ?
Le retour de Donald Trump comme président des États-Unis, lundi 20 janvier, est suivi de près partout à travers le monde. Mais l’enjeu est particulier dans certains pays, notamment ceux qui sont en première ligne face à la puissance militaire croissante de Pékin. C’est le cas des Philippines, ancienne colonie américaine, où se joue un conflit avec la Chine en mer de Chine méridionale. Alors que sous la présidence de Joe Biden, les deux pays ont renforcé leurs liens, Manille craint aujourd'hui que Donald Trump revienne sur la longue tradition de coopération entre les deux pays.
Des bases militaires sur des îlots revendiqués par la Chine
L'alliance militaire entre les deux pays face à Pékin ne date pas d’hier. Leur premier traité de défense mutuelle a été signé il y a presque 75 ans en 1951, en pleine guerre de Corée. Donc ici, l’influence militaire américaine est conséquente : la superpuissance est présente sur une dizaine de bases militaires dans la zone économique exclusive des Philippines. Et ces bases militaires se trouvent à proximité de plusieurs îlots stratégiques qui appartiennent aux Philippines, mais revendiqués par la Chine.
En fait, la Chine considère que ces îlots font partie de son "territoire historique". Et plus la superpuissance chinoise grandit et s’affirme sur ce territoire, plus les États-Unis s’impliquent aux côtés des Philippines. Dimanche 19 janvier encore, les deux pays se livraient à des exercices militaires conjoints au large de Manille.
Avec le retour de Donald Trump, la crainte est qu’il revienne à une politique étrangère isolationniste et transactionnelle. Lors de son premier mandat, il a affirmé un soutien fort aux Philippines. C’est d’ailleurs lui, en 2017, qui a développé une stratégie indo-pacifique américaine. Mais son retour au pouvoir rebat les cartes, parce qu’il est imprévisible. Certains ont peur d’une politique trop agressive envers la Chine.
La crainte d'une escalade
Un spécialiste de la géopolitique en mer de Chine méridional, Chester Cabalza, pointe la nomination de plusieurs responsables de la Défense connus pour être "belliqueux" : "Ce sont des décideurs politiques hostiles à la Chine. Donc, compte tenu de l'évolution actuelle de la situation aux États-Unis, je pense qu'il y aura une nouvelle escalade", craint-il. Le risque pour les Philippins est donc d’être enfermé au milieu d’une guerre régionale entre les deux superpuissances.
Les Philippins savent que leur zone économique exclusive est convoitée. Leurs eaux sont pleines de ressources naturelles, de ressources de pêches. Et surtout, la mer de Chine méridionale est une voie de navigation majeure, ou transite une bonne partie du commerce international.
Neri Colmenaras, membre du parti de gauche Bayan Muna, a communiqué publiquement son inquiétude face à une politique américaine trop interventionniste dans l’archipel. "Ils agissent en fonction de leurs propres intérêts plutôt qu’en fonction des intérêts des Philippins, dit-il. La résolution du conflit devrait être menée par les pays qui sont affectés par la présence de la Chine en mer de Chine du Sud : le Vietnam, les Philippines, Brunei, la Malaisie. Nous ne voulons pas nous débarrasser d’un tyran en Chine, pour qu’il soit remplacé par un tyran des États-Unis." Maintenant, il reste à voir comment l’administration du président Marcos va composer avec un Trump 2.0, pour empêcher les Philippines de devenir un pion sur l’échiquier d’une grande puissance.