Scandales en série : l'armée ukrainienne enquête sur la brigade "Anne de Kiev" formée en France

La brigade "Anne de Kiev" de nouveau dans le collimateur du commandement ukrainien. Formée et équipée par la France en 2024 pour soutenir l'Ukraine face à l'invasion russe, cette brigade – constituée de conscrits ukrainiens, souvent peu expérimentés – est visée par une inspection après des mois de scandales de malversations et de désertions, a annoncé mardi 20 mai l'armée ukrainienne.

Cette unité, qui est officiellement la 155e brigade mécanisée, était destinée à être une force de combat performante de l'armée ukrainienne et célébrée par les présidents Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky comme un symbole de la coopération militaire entre Kiev et Paris.

Mais depuis son déploiement sur le front, la brigade "Anne de Kiev" – nommée ainsi en hommage à la reine des Francs d’origine ukrainienne – multiplie les controverses en raison de pénuries d'équipement – notamment des drones – et d'abandons de poste en masse parmi ses soldats. Les derniers rebondissements concernent des faits de corruption, les services de sécurité ukrainiens ayant annoncé ce mois-ci l’arrestation d’un officier supérieur accusé d’avoir extorqué des pots-de-vin à ses propres soldats en échange du versement de primes liées à leur engagement au front.

D’après les autorités, il ne s’agissait pas d’un cas isolé mais d’un système organisé et enraciné dans la région du Donbass.

Abus de pouvoir et pots-de-vin

"Le 15 avril, les enquêteurs du SBI [State Bureau of Investigation] ont lancé une enquête préliminaire sur des allégations d'abus d'autorité et d'avantages indus au sein de la brigade", écrivait dans un article du 5 mai le média ukrainien Ukrainska Pravda, qui ajoute que les forces de l'ordre ont arrêté début mai le lieutenant-colonel Shumsky – désormais en détention – dans la région de Donetsk.

"Il est prouvé que de cette façon, rien qu'en mars de cette année, le fonctionnaire a reçu 920 000 hryvnias de 'pots-de-vin' [plus de 21 000 euros, NDLR], et il avait prévu de recevoir le même montant en avril, mais il a été pris en flagrant délit", précisait le média ukrainien.

Lundi, Ukrainska Pravda a révélé une affaire concernant un autre officier, le colonel Tarass Maksimov, l'un des commandants de la brigade, manifestement impliqué dans une affaire de paiements fictifs et d'extorsion d'argent à ses troupes.

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"Après la publication de l'article dans Ukrainska Pravda, j'ai ordonné une inspection officielle supplémentaire des faits révélés par les journalistes", a annoncé le commandant des forces terrestres Mykhaïlo Drapaty, cité par le journal, rappelant que "personne n'est intouchable" et qu'il ne "couvrira personne".

Un porte-parole des forces terrestres ukrainiennes a confirmé mardi à l'AFP cette information mais a refusé de donner plus de détails.

Désertions

Toujours selon Ukrainska Pravda, la brigade fait aussi face à quelque 1 200 abandons de poste, alors que ses effectifs comptent moins de 5 000 soldats, dont environ la moitié ont été formés en France.

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Selon une information confirmée début janvier par le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, 55 soldats avaient déjà déserté durant la formation en France.

Une responsabilité que l'armée ukrainienne impute au commandant de la brigade Dmytro Ryumshin, démis de ses fonctions début décembre et en détention depuis dans l'attente d'un procès. Une enquête préliminaire avait été lancée parallèlement sur les circonstances de ces désertions début novembre.

Début janvier, la porte-parole du SBI, Tatiana Sapiyan, avait confirmé qu'une enquête était en cours sur les allégations du journaliste ukrainien Iouri Boutoussov – par ailleurs ex-conseiller du ministre ukrainien de la Défense Andriy Taran – qui avait lui-même révélé qu'environ 1 700 soldats de la brigade avaient manqué à l'appel, principalement avant même d'être déployés sur le front.

Dans un message posté sur Facebook, il accusait le commandement militaire ukrainien d'avoir failli à la formation de la brigade, la qualifiant de "chaos organisationnel complet", et reprochait à l'état-major d'avoir envoyé ces soldats dans d'autres unités pour "colmater les trous" en termes d'effectifs.

Toujours selon Iouri Boutoussov, la brigade "Anne de Kiev" n’aurait pas été équipée en drones ni en matériel de brouillage électronique, des outils devenus pourtant essentiels pour les unités militaires dans cette guerre.

"À cause de cette attitude criminelle envers la vie des soldats, la 155e brigade a subi des pertes importantes dès les premiers jours", critiquait-il.

Environ 2 300 des soldats de la brigade ont été formés sur le sol français et équipés de véhicules de transport français VAB, de chars AMX-10 et de canons automoteurs Caesar, ainsi que de munitions et de missiles antiaériens et antichar.

Le président français Emmanuel Macron avait rendu visite en octobre dernier aux soldats de la 155e brigade ukrainienne pendant leur entraînement au camp de Mourmelon, dans la région du Grand Est.

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Avec AFP