Dette, déficits : Le Pen et Mélenchon menacent Bayrou de censure après ses annonces budgétaires

François Bayrou ne se berce pas d’illusions. Avant de présenter mardi après-midi les propositions du gouvernement pour atteindre le montant considérable de près de 44 milliards d’euros d’effort budgétaire en 2026, le premier ministre a évoqué la «situation politique» défavorable dans laquelle il se trouve. «Il n’y a pas majorité à l’Assemblée nationale pour affronter les choses avec détermination et constance», a déclaré le centriste, évoquant une «classe politique en voie de divisions, de progressive violence, de délitement». Et de rappeler en conclusion qu’«il n’y a que des risques» et que son «gouvernement le sait bien».

«Après sept années de gabegie catastrophique, Emmanuel Macron et François Bayrou sont incapables de faire de vraies économies et présentent une énième facture aux Français : près de vingt milliards d’euros d’impôts et de privations. (...) Si François Bayrou ne revoit pas sa copie, nous le censurerons», a immédiatement chargé Marine Le Pen, en écho à son dauphin Jordan Bardella. «La suppression de deux jours fériés, par ailleurs aussi chargés de sens que le lundi de Pâques et le 8 mai, est une attaque directe contre notre histoire, contre nos racines, et contre la France du travail, a de son côté martelé le président du parti à la flamme. Aucun député RN n’acceptera cette mesure, qui relève de la provocation».

Il y a dix fois plus d’impôts et de spoliations diverses sur les Français que d’économies structurelles, c’est inadmissible. Après 7 ans de pouvoir, ils sont incapables de se reformer. L’impasse macroniste est totale

Jean-Philippe Tanguy
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Le camp nationaliste n’avait de toute façon pas attendu la prise de parole du premier ministre pour mettre la pression et placer haut la barre des exigences. «Ce ne sera pas comme avec Michel Barnier, ou même le premier budget de Bayrou», expliquait, plus tôt dans la journée de mardi, un proche de la patronne des députés RN, avant d’enchérir : «Cette fois-ci, il va falloir que le premier ministre fasse réellement des économies là où nous le demandons. Cela veut dire, des économies sur l’immigration, sur la dépense de l’État, la contribution à l’Union européenne. Nos lignes rouges seront plus dures qu’avant». En coulisses, un stratège lepéniste relève en fait un changement de paradigme depuis la fin du conclave sur la réforme des retraites : «Depuis que les socialistes se sont remis à vouloir censurer le gouvernement, cela nous replace au centre du jeu. François Bayrou n’aura pas d’autre choix que de nous écouter, où il tombera.» Et le même d’ajouter : «Et s’il reprend nos propositions, il aura des problèmes avec sa coalition.» 

«Il y a dix fois plus d’impôts et de spoliations diverses sur les Français que d’économies structurelles, c’est inadmissible. Après 7 ans de pouvoir, ils sont incapables de se reformer. L’impasse macroniste est totale», point Jean-Philippe Tanguy, le «Monsieur Finances» du RN au Figaro. Le maire de Perpignan, Louis Aliot, n’a pas pu s’empêcher de citer de citer Albert Einstein : «On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème !»

«Discours sans concession»

Une fois n’est pas coutume, le Rassemblement national et la gauche ont presque parlé d’une même voix. À quelques nuances près, toutefois, puisque contrairement aux lepénistes, qui restent ouverts à la négociation, il ne fait nul doute désormais que les 71 députés mélenchonistes chercheront à censurer le gouvernement sur le budget et tenteront de renverser le premier ministre à tout prix dès la rentrée. «Il faut faire partir Bayrou, a ainsi lancé Jean-Luc Mélenchon sur X. (Il) durcit encore l’absurdité de la politique macroniste : détruire l’État et les services publics pour ouvrir l’espace au marché. Faire payer le grand nombre pour épargner les très riches. La course à l’abîme économique, financier et social devrait donc continuer pour le malheur de tous», s’est étranglé le leader Insoumis.

Idem pour le communiste Fabien Roussel, qui est apparu sur la même tonalité. «C’est un braquage en bande organisée auquel nous assistons. (...) Plus que jamais, il y a de nouvelles Bastilles à prendre», a réagi le patron du Parti communiste français. Quant au député François Ruffin, qui siège parmi les écologistes, ce dernier a appelé en toutes lettres à censurer le premier ministre, se plaignant d’une «année noire».

Moins définitif, le Parti socialiste compte participer au nouveau cycle de négociations annoncé par François Bayrou à la suite de ses annonces. Mais à brûle-pourpoint, les cadres étaient vent debout. «On fait payer la facture aux Français à travers des mesures d’austérité», indique Liem Hoang Ngoc, secrétaire national à l’économie, qui évoque «un discours sans concession». Ce dernier regrette notamment que rien n’ait été annoncé sur une taxation des hauts patrimoines, contrairement aux exigences formulées par les socialistes en amont des déclarations du premier ministre. «On attendait un signal fort de sa part sur la taxe Zucman que nous défendons, mais je comprends qu’il n’y aura rien», regrette le membre de la direction du parti. «Il a tout l’été pour revoir sa copie», ajoute-t-il sans trop y croire, confiant que le risque de censure à l’automne n’a jamais été aussi probable.