Arman Méliès et Neil Young, découvrez les albums de la semaine du Figaro
Arman Méliès, Ambrosia
Déjà le dixième album de la carrière sans faute de ce chanteur et multi-instrumentiste cruellement sous-estimé. On doit à Alain Bashung, homme aux goûts sûrs, d’avoir découvert cet artiste, et l’on n’a jamais eu à le regretter au fil d’une production stimulante, belle et intelligente. Après les expérimentations psychédéliques de Laurel Canyon, et les constructions électroniques passionnantes d’Obake, Méliès revient à un format plus classique avec un disque épuré et acoustique. «J’accepte enfin de faire de la chanson» avoue-t-il. On pense souvent à Jean-Louis Murat pour cet accord parfait entre poésie et folk d’inspiration américaine assez peu pratiquée dans notre contrée.
Soutenu par le jeu souple et élégant du batteur Adam Bradley Schreiber, collaborateur de Timber Timbre et la violoniste Pauline Denize, Arman Méliès délivre des textes puissants, écrits après avoir relu les poètes Emily Dickinson et Andrée Chedid, « de véritables sources d’inspiration pour ce disque» explique le jeune quinquagénaire. Vingt ans après ses débuts, Arman Méliès signe son album le plus accessible et le plus dense à la fois. Une partition qui donne foi en la musique, exaltée et onirique, bien utile pour affronter les troubles d’une époque au sein de laquelle on aimerait davantage fréquenter ce genre de beauté.
Neil Young, Oceanside/Countryside
À l’heure d’annoncer la tenue d’une nouvelle tournée, Neil Young a déclaré qu’il souhaitait que celle-ci commence par un concert gratuit en Ukraine. Une pierre de plus dans le jardin de Trump, par un de ses plus farouches opposants : le Canadien qui avait fini, à 70 ans, par demander la nationalité américaine juste pour voter contre le candidat républicain. On attend un nouvel album studio rageur du songwriter qui n’a jamais mâché ses mots depuis la chanson Ohio en 1970. En attendant, l’infatigable Young sort ce vendredi un album inédit qui aurait dû voir le jour en 1978. Intitulé Oceanside/Countryside, il contient deux faces distinctes, un procédé que l’artiste reprendra régulièrement par la suite. Si la première est consacrée à des titres enregistrés par le multi-instrumentiste Young en solo (guitare, chant, harmonica, piano, basse), la seconde marque une incursion à Nashville avec des musiciens du cru, dans une ambiance country-rock qu’il n’avait plus exploité depuis le triomphe de Harvest en 1972.
Bien sûr, toutes ces chansons sont apparues sur différents albums au fil des ans, notamment sur Comes A Time (1978) et Hawks and Doves (1980), les entendre rassemblées sur un seul disque est une expérience particulièrement plaisante. Même si cela signifie entendre une nouvelle fois Pocahontas, que Young a placé sur plus d’un album inédit qu’il a sorti ces dix dernières années (Hitchhiker ou Chrome Dreams notamment). Contrairement à ces derniers, Oceanside/Countryside ne contient aucune chanson inédite, uniquement des versions pour certaines jamais entendues. Et comme rien n’est jamais simple avec Neil Young, il a incorporé sur cette version de Oceanside/Countryside des prises différentes de celles présentées sur l’album du même titre inclus au sein du coffret monumental sorti à la rentrée dernière, Archives : volume III. Ce n’est pas une raison pour bouder le plaisir à entendre le musicien au sommet de son art et de son inspiration.