Michel Fau, cocu magnifique dans La Jalousie

Michel Fau, cocu magnifique dans La Jalousie

Gwendoline Hamon et Michel Fau incarnent un couple bourgeois dans la comédie aigre-douce de Sacha Guitry. Marcel Hartmann

CRITIQUE - Le comédien joue et met en scène la mythique pièce de Sacha Guitry à la Michodière. Un délice !

Passer la publicité Passer la publicité

Dans son salon bourgeois, Albert Blondel, Michel Fau yeux surlignés de noir, s’inquiète. Comment justifier son retard auprès de sa femme Marthe (Gwendoline Hamon) ? Le fonctionnaire confesse qu’il vient de passer du bon temps avec une « grue ». Et invente des excuses improbables. Mais l’heure passe et l’épouse ne rentre pas. Albert Blondel s’impatiente, consulte sa montre gousset et demande des explications à Madame Buzenay, sa belle-mère insouciante (Geneviève Casile). Mâtiné d’une dose de paranoïa, le poison de la jalousie commence à faire son effet et le « malade » cousin de Georges Dandin commence à soupçonner Marthe d’infidélité.

Michel Fau s’empare d’une comédie aigre-douce de Sacha Guitry, La Jalousie, qui fut créée par l’auteur lui-même en 1915. Le metteur en scène l’a allégée à raison, a supprimé la soubrette et la mère de l’ami écrivain, Marcelin Lézignan (Alexis Moncorgé) pour se focaliser sur le trio « classique » : le mari, la femme et l’amant que le dramaturge réunira plus tard dans un célèbre vaudeville. Il creuse ainsi à l’envi le sillon comique. Les affres de la jalousie poussent Albert Blondel au bord de la folie et Marthe à la… faute. « Elles sont toujours d’accord ces deux-là », déplore-t-il à propos de sa moitié et de sa génitrice. Poussée à bout, la première commettra l’irréparable en toute impunité, grâce aux conseils de la seconde plus expérimentée. Lézignan apprend lui in extremis qu’il est l’objet du litige. Un délice de cruauté !

Passer la publicité

Un comédien irréprochable

Et quelle maturité chez Guitry qui n’a pas 30 ans quand il l’écrit. Marqué par Jules Renard ou Georges Feydeau, à la fois coureur de jupons et fin psychologue des tourments amoureux, il a déjà perdu ses illusions sur le sujet. À travers cette version qui parle encore à notre époque, Michel Fau fête les 100 ans du Théâtre de la Michodière avec panache. Comme d’habitude, le comédien est irréprochable en cocu magnifique à l’origine de son malheur. Chef de troupe généreux, il s’entoure de sept partenaires brillants dans un décor, mi kitsch-mi tendance (Nicolas Delas).

Chaque interprète - seconds rôles compris - tire son épingle du jeu avec élégance. Gwendoline Hamon compose une femme injustement outragée sans rougir. Son illustre grand-père, Jean Anouilh, l’aurait applaudie. Grande dame du théâtre, Geneviève Casile est piquante sans se forcer. En séducteur fat, Alexis Moncorgé apporte beaucoup de drôlerie. Fabienne Galula, Alexis Driollet, Léo Marchi et Joseph Tronc jouent leur partition en harmonie. « J’ai choisi pour métier celui qui consiste à distraire le public… Chaque fois que j’y parviens, j’ai l’impression d’avoir fait mon devoir et je suis satisfait », a dit Guitry. Gageons que le maître de Michel Fau serait très « satisfait » de son travail.

La Jalousie, au Théâtre de la Michodière (Paris 2e), jusqu’au 18 janvier 2026.