Éphémère mais éternelle. La street-artiste Miss.Tic s’affiche, pour la première fois depuis son décès il y a trois ans, dans une galerie parisienne. Dans un espace brut de 300 m2, à deux pas de la BNF, là même où Miss.Tic avait installé son atelier, la galerie Mathgoth expose jusqu’au 25 octobre une soixantaine d’œuvres et des pièces rares issues de la collection personnelle de ses beaux-enfants et ayants droit, Charlotte et Antoine Novat.
Pionnière du pochoir urbain, Miss.Tic a orné les murs de la capitale dès les années 1980 de ses aphorismes incisifs et de ses silhouettes féminines, souvent son propre reflet. Palissades, tôle, boîtes aux lettres, boîtiers électriques, poubelles composent les éléments de fortune qui ont fait de Paris une galerie à ciel ouvert. Bien conservées, une trentaine de ses œuvres demeurent visibles, aujourd’hui, dans l’espace public.
Cet esprit libre et révolté sera néanmoins rattrapé par la justice. En 1999, un procès pour « détérioration d’un bien pour inscription, signe ou dessin » qui se solde par une amende 22 000 francs, pousse l’artiste à faire le choix définitif de la légalité. « La ville de Paris l’attaque en 1999 et lui dédie un square dans le Ve arrondissement en 2024 », raconte Antoine Novat, non sans souligner l’ironie du sort.
Passer la publicitéTrès vite, Miss.Tic a importé, sur les cimaises des galeries, l’art fugace de la rue. Pour elle, travailler dans la rue ou dans un atelier, c’est le même travail, la même quête d’authenticité. «Elle considérait le travail en atelier comme un moment de réflexion, d’écriture, de procrastination», se souvient Antoine Novat.
Les œuvres exposées à la galerie MathGoth célèbrent cette activité tournée vers l’intérieur, qui ne se départira pas de la présence immuable de la rue. Palissades, tôle, parpaings demeurent les supports privilégiés de l’artiste. Les huiles ou pochoirs sur toile, le carton, les affiches lacérées, élaborées dans le sillage du pionnier Jacques Villeglé, complètent la riche gamme de matériaux composant les écrins de ses fulgurances.
Le marché, lui, reflète l’engouement du public. À la galerie MathGoth, les originaux peuvent s’acquérir pour un prix oscillant entre 3 500 et 25 000 euros et il faut compter 1 500 à 2 500 euros pour les reproductions. Mais jamais ses matrices ou pochoirs : Miss.Tic aurait refusé de céder l’outil de sa rébellion.
Un engouement partagé par de grandes institutions culturelles parisiennes. Le Centre Pompidou a récemment acquis plusieurs pièces pour ses collections permanentes, et le musée Carnavalet se prépare à lui consacrer un accrochage en 2027. Dans les rues de Paris, sur les murs des galeries ou des musées, sur toile, tôle ou sur soie, l’art de Miss.Tic continue de chuchoter aux passants : à la vie, à la mort, à l’amour.