REPORTAGE. "Je suis vieille et me voilà comme une sans-domicile-fixe" : en Ukraine, les habitants du Donbass forcés de se déplacer toujours plus loin
Y aura-t-il de nouveaux pourparlers lundi à Istanbul, entre l'Ukraine et la Russie ? À cette proposition de Moscou, sur le même format qu'à la mi-mai, c'est-à-dire sans la présence de Vladimir Poutine, Kiev répond qu'elle est "prête à négocier", mais qu'elle veut une "discussion constructive". Tandis que la diplomatie patine, sur le terrain, les armes ne se taisent pas. L'armée russe continue de progresser dans le Donbass, chassant les civils ukrainiens, forcés de se déplacer toujours plus loin de chez eux.
Dans un abri, à Droujkivka, au sud de Kramatorsk, on entend le grondement de la guerre par la fenêtre du dortoir. Olena se redresse sur la couchette du bas d'un lit superposé. C'est son lit depuis deux mois déjà, alors qu'elle a quitté sa ville, Toretsk, conquise depuis par les Russes. "Là-bas il n'y a plus rien. J'ai vu les images filmées par un drone il y a quelques jours. Il n'y a plus de ville, il ne reste que des ruines."
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Sa maison a sans doute disparu, elle aussi, sous les frappes. Olena a 68 ans et tout ce qu'il lui reste est posé près de ce lit, sur une table d'écolier dans cet abri de Droujkivka qui était, avant la guerre, une école maternelle. "Mes médicaments, des chaussures, quelques chemisiers, égrène-t-elle tout en pleurant en silence. C'est très dur, très douloureux. Je suis vieille et me voilà comme une sans-domicile-fixe. Ça me brise le cœur", lâche-t-elle.
Une vie dans cinq sacs en plastique
Olena n'a nulle part ailleurs où aller. Sa fille unique est morte il y a quatre ans. De l'autre côté du couloir, Natalya, 64 ans, partage sa solitude. Ses affaires tiennent dans cinq sacs en plastique. Avant, elle a passé une année à vivre dans le sous-sol de sa maison, à Tchassiv Yar, l'autre grande conquête russe de ces derniers mois. "Quand une frappe a touché mon jardin, je me suis décidée à fuir, sinon, j'ai compris que j'allais y rester. Toutes les maisons autour de chez moi avaient déjà brûlé."
Natalya a passé sa vie à l'usine et touche aujourd'hui 85 euros de retraite. 40 euros de plus lui sont versés par l'Etat, depuis un mois qu'elle est reconnue comme "personne déplacée". Mais impossible de se reloger avec cette somme, explique-t-elle. Natalya regarde au-dehors. On entend que ça cogne, pas très loin, à quelques kilomètres.
"Ça fait peur, même si on a l'habitude. Le front se rapproche, ça semble inévitable, on l'entend de plus en plus fort."
Natalyaà franceinfo
Elle comprend qu'il faudra sans doute quitter cet abri et partir une nouvelle fois, un peu plus loin des combats. Les yeux humides, Natalya confie qu'elle pense à son chat, ses chiens, à son chez-elle, là-bas et qu'elle a mal au cœur.