«On ne doit pas signer cet accord, le message est clair», déclare Clément Torpier, des Jeunes agriculteurs
Le président des Jeunes agriculteurs d’Île-de-France fait preuve de fermeté ce lundi matin sur Sud Radio, déclarant qu’il «ne faut pas signer l’accord [du Mercosur], le message est clair». Pour Clément Torpier, il est «inadmissible de faire entrer des productions [de l’étranger] qui ne respectent pas nos standards de production français et européens».
Si cet accord avec les pays sud-américains n’est pas encore signé, le représentant des Jeunes agriculteurs espère que la «France arrivera à faire peser de tout son poids sur la décision» finale. Il y a quelques jours, le président de la République, Emmanuel Macron, et son premier ministre, Michel Barnier, ont tout deux maintenu leur refus de signer l’accord.
Pour manifester leur mécontentement, les agriculteurs ont lancé leur premier acte de mobilisation ce week-end, avec d’autres rendez-vous fixés «jusqu’au mois de décembre». «On a le soutien de la population, qui nous klaxonne et nous applaudit», assure Clément Torpier, qui ajoute que les mobilisations franciliennes se termineront ce lundi.
L’éditorial du Figaro : «En France, les taxes de la colère»
Michel Barnier n’a qu’une crainte : que, six ans après, une colère comparable à celle des « gilets jaunes » gagne le pays. Partout, elle monte. Cheminots, fonctionnaires, pilotes d’avion et salariés du privé multiplient les préavis de grève. Le feu prend aussi dans les territoires. Les maires tout comme les patrons de département et de région n’acceptent pas l’effort de 5 milliards d’euros qui leur est demandé pour renflouer les caisses de l’État. Ils tiennent congrès ces jours-ci et n’entendent pas se laisser faire. Quant aux campagnes, elles sont en marche pour barrer les routes. Les agriculteurs attendent toujours que les promesses faites en début d’année soient tenues. « Je ne vous lâcherai pas », leur avait assuré Gabriel Attal. Depuis, le premier ministre a changé…
«C’est un accord qui n’a aucun sens», pointe Enrico Somaglia, de l’EFFAT, ciblant le Mercosur
«Nous soutenons la mobilisation» des agriculteurs français et «nous sommes contre l’accord du Mercosur», lance ce lundi matin sur RFI le secrétaire général adjoint de la Fédération européenne des Syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT). Si l’accord est toujours en négociation entre les pays européens, Enrico Somaglia assure qu’il «n’a aucun sens d’un point de vue social, environnemental et commercial».
«L’agriculture européenne est déjà un secteur très précaire avec des salaires misérables et des conditions de travail pénibles», souligne le représentant européen. Pour lui, si cet accord est ratifié, il «pourrait augmenter la concurrence déloyale avec des conséquences négatives» pour les agriculteurs européens et sud-américains, qui font également partis du Mercosur.
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L’ancien chef du gouvernement Gabriel Attal avait acté pas moins d’une soixantaine de mesures pour faire rentrer les tracteurs dans les fermes, au printemps dernier. Soixante-deux plus précisément. Celles-ci allaient d’une loi pour faciliter l’installation de nouveaux paysans à des mesures de simplification administrative, en passant par des allègements fiscaux sur le Gazole non routier (GNR) ou sur l’emploi de travailleurs des saisonniers.
L’État avait aussi promis d’assurer un revenu agricole décent, d’en finir avec la concurrence déloyale avec les autres pays européens, ou encore d’accompagner les paysans dans leur adaptation au changement climatique... À cette la liste à la Prévert sont venues s’ajouter (ou se recouper) 122 doléances envoyées par la FNSEA à l’exécutif, depuis le début de la crise en janvier. Alors, un an après les premiers panneaux retournés, qu’en est-il ?
Les autres pays européens se mobilisent aussi, mais plus modestement
Allemagne, Italie, Pologne... dans les grands pays producteurs d’Europe, les organisations agricoles dénoncent aussi le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et les pays latino-américains du Mercosur. Mais la réponse de leurs gouvernements est plus nuancée, la France restant la plus véhémente dans son opposition.
Allemagne
L’Allemagne, réticente à l’accord sous Angela Merkel pour cause de déforestation en Amazonie, a changé de pied avec Olaf Scholz, désireux d’élargir ses débouchés industriels. Aujourd’hui, l’effondrement de la coalition gouvernementale place les agriculteurs dans l’expectative. Pour l’Association des agriculteurs allemands (DBV), principal syndicat, «il est urgent de renégocier» cet accord.
Aucune manifestation officielle n’est prévue, ce qui ne devrait pas empêcher des convergences à la frontière franco-allemande, comme à la frontière franco-espagnole.
Espagne
En Espagne, l’ensemble des grands syndicats agricoles ont dit leurs craintes, notamment pour l’élevage. Cet accord est «dépassé et incohérent», pour l’organisation Asaja. Aucune mobilisation n’est annoncée, mais l’inquiétude suscitée par le projet avait pesé dans le mouvement de colère des agriculteurs en début d’année. Pour autant, le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez s’est prononcé pour.
Italie
La grande organisation Coldiretti a écrit à la première ministre Giorgia Meloni pour exprimer la «profonde inquiétude» à l’égard d’un accord qui «aurait des effets dévastateurs sur le secteur agro-alimentaire». «Nous estimons qu’une collaboration étroite avec d’autres États membres de l’UE, comme la France, qui partagent nos inquiétudes, peut empêcher l’adoption de l’accord sous sa forme actuelle», appelle la lettre.
Pays-Bas
Le principal syndicat agricole LTO appelle «à arrêter les négociations». Aux Pays-Bas, le secteur avicole et le sucre seraient menacés, explique Klaas Johan Osinga, conseiller stratégie politique du LTO à l’AFP. «L’accord pourrait toutefois être bon pour le secteur du fromage, être une opportunité pour l’horticulture, mais ce sont relativement de petites sommes», ajoute-t-il, relevant que les quatre partis de la coalition gouvernementale sont divisés sur le sujet.
Pologne
Le ministère de l’Agriculture a exprimé ses «sérieuses réserves» à l’égard d’un projet qui «aura peut-être quelques bénéfices pour l’industrie, le transport maritime et certains services, aux dépens de la plupart des segments de la production agro-alimentaire». Une des principales organisations agricoles, NSZZ RI Solidarnosc, a appelé le chef du gouvernement Donald Tusk, à aller plus loin et à «bloquer» le projet.
Autriche
Les parlementaires du Conseil national ont adopté une résolution contre, rappelle le ministère de l’Agriculture: «restreindre la production agricole en Europe via des normes toujours plus sévères tout en poussant des accords commerciaux de la vieille école, ce n’est pas compatible. L’Autriche est un pays orienté à l’export, nous tenons à ce que le jeu soit équitable». De telles importations sans droits de douane «mettent notre agriculture en péril», résume la première association agricole (Bauernbund).
Irlande
Alors qu’en Irlande les élections législatives de fin novembre concentrent l’attention, les représentants des éleveurs (ICSA) ont protesté devant la chambre basse du Parlement.
La Coordination rurale promet une «révolte agricole»
Deuxième force syndicale agricole, la Coordination rurale a choisi d’attendre la tenue de son congrès (mardi et mercredi) pour amplifier sa mobilisation. Le syndicat promet «une révolte agricole» avec un «blocage du fret alimentaire» dès mercredi dans le sud-ouest si «aucune avancée» n’est constatée sur le dossier du Mercosur. Certains de ses responsables ont proposé ces derniers jours d’«encercler» ou d’«affamer» certaines métropoles.
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Opposée depuis 25 ans aux traités de libre-échange, la Confédération paysanne, 3e force syndicale, a participé à des rassemblements anti-Mercosur à Bruxelles ou en Aveyron, manifestant symboliquement devant le restaurant McDonald’s de Millau que ses militants avaient démonté en 1999. Cette semaine, la Confédération prévoit d’autres actions pacifiques pour défendre le revenu des paysans, l’accès au foncier mais aussi réclamer un soutien à la transition agro-écologique, contre la logique des syndicats majoritaires qui réclament moins de contraintes environnementales et plus de stockage d’eau.
Les actions prévues ce lundi
Sur le terrain, la mobilisation, qui pourra «durer jusque mi-décembre», se traduira par des rassemblements devant les préfectures et sur des places ou ronds-points baptisés «de l’Europe». Ainsi, des adhérents de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) prévoient d’occuper symboliquement le «pont de l’Europe» qui relie Strasbourg à la commune allemande de Kehl. «En volaille, c’est plus de 180.000 tonnes qui viendront inonder le segment de marché du blanc de poulet. En maïs, 70 molécules interdites en France sont autorisées au Brésil et pourtant les vraquiers déverseront la marchandise dans les ports européens!», s’indignent ces adhérents du Bas-Rhin dans un communiqué.
Ces actions sont avant tout symboliques, à l’instar du déversement de déchets vendredi devant le centre des impôts de Tarascon (Bouches-du-Rhône) rebaptisé «ambassade du Brésil», ou d’un convoi funéraire prévu lundi dans le Gers. Lundi soir, des «feux de la colère» seront allumés simultanément dans les départements et, localement, des exploitants continuent de bâcher des panneaux de communes ou les rebaptiser du nom de villes sud-américaines du Mercosur, comme dans la Somme ou le Cantal.
Si quelques opérations-escargot pourraient perturber le trafic automobile, l’objectif de la mobilisation n’est pas de «bloquer» ou «d’ennuyer» les Français mais de faire passer le message selon lequel l’agriculture vit aujourd’hui «une situation d’urgence, dramatique dans certains endroits», a souligné dimanche le président de la FNSEA Arnaud Rousseau sur BFMTV.
Les syndicats majoritaires lancent «l’acte 2» de la colère en France
L’alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA donne lundi le coup d’envoi d’un nouveau cycle de la mobilisation agricole, avec des actions symboliques. Moins d’un an après un ample mouvement de colère dans les campagnes, qui avait abouti en janvier à des blocages de sections d’autoroutes dans le pays, les syndicats agricoles appellent à nouveau leurs troupes à manifester mais en ordre dispersé, à l’approche de leurs élections professionnelles qui se tiennent en janvier.
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Percutés par les mauvaises récoltes et les maladies animales émergentes, ils estiment n’avoir toujours pas récolté les fruits de la colère de l’hiver dernier: la concrétisation des 70 engagements alors pris par le gouvernement Attal a été ralentie par la dissolution de l’Assemblée nationale. Et ils jugent les normes toujours aussi complexes et les revenus insuffisants. Si les taxes sur le carburant agricole (GNR) avaient été un des ferments de la mobilisation l’an dernier, c’est l’aboutissement du projet d’accord de libre-échange de l’Union européenne avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui pourrait mettre le feu aux poudres cette année.
En dépit de l’opposition de la classe politique comme des acteurs agricoles français, la Commission européenne, poussée par plusieurs pays comme l’Allemagne et l’Espagne, semble déterminée à signer d’ici à la fin de l’année cet accord qui permettra notamment aux pays latino-américains d’écouler plus de bœuf, poulet ou sucre sans droits de douane en Europe.
Bienvenue dans ce direct
Bonjour à tous et bienvenue dans ce direct, voué à suivre la nouvelle mobilisation des agriculteurs aux quatre coins de la France, moins d’un an après un ample mouvement de colère dans les campagnes, qui avait abouti en janvier à des blocages de sections d’autoroutes.