Emmanuel Macron valorise en paroles le rôle des paysans

Gérard Le Puill

Peu avant 10 heures le samedi 22 février, le président de la République a commencé sa visite du 61ème Salon international de l’Agriculture, en compagnie de Jérôme Despey, directeur du Salon. Avant de déambuler au Parc des Expositions de la porte de Versailles à Paris, il s’était entretenu pendant plus d’une heure avec les principaux responsables des syndicats agricoles présents sur le site.

En prévision de cette rencontre du samedi matin avec le chef de l’État , Pierrick Horel , président du syndicat Jeunes Agriculteurs, avait tenu à rencontrer la presse vendredi matin à Paris afin de faire connaître les revendications et les principaux objectifs de son syndicat pour notre agriculture dans les prochaines décennies . Titré « Une planification agricole pour construire notre souveraineté alimentaire », le document remis aux journalistes résumait en page 2 les objectifs du syndicat en ces termes : « Face aux bouleversements climatiques, économiques et sanitaires, notre agriculture doit s’adapter au plus vite. Dans une France à + 2,7°c en 2050 et à +4°C en 2100, certaines cultures seront fragilisées par les nouvelles conditions agro-climatiques. Il ne s’agit plus seulement de réagir aux crises, mais de prévoir et organiser l’avenir! C’est tout l’enjeu de la planification agricole prônée par Jeunes Agriculteurs : une démarche rassemblant tous les acteurs de la chaîne alimentaire ».

Une démarche à laquelle Annie Genevard , ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire ne semblait pas indifférente en déclarant dans un entretien accordé à l’hebdomadaire « La France Agricole » paru le jour même : « Il faut qu’on affirme que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géopolitique qui requiert la reconquête de notre puissance alimentaire (…) Le conflit russo-ukrainien en témoigne: l’alimentation est aujourd’hui une arme géopolitique. Je refuse que nous laissions une dette alimentaire à nos enfants. Il est temps de reconquérir notre assiette ».


L’efficience trop réduite des lois Egalim perdure


Mais dans cet entretien sur deux pages, la ministre n’évoquait pas l’énorme pression que mettent les enseignes de la grande distribution sur leurs fournisseurs dans le cadre de la négociation annuelle sur les prix et les volumes qu’elles achèteront en 2025. Alors que trois versions de la loi Egalim ont été votées par les parlementaires depuis 2018 pour tenter de tenir une promesse ambigüe faite aux paysans à Rungis le 11 octobre 2017 par le président Macron , les recommandations de cette loi sont contournées en permanence par les grandes enseignes de diverses manières, dont la mise en place de centrales d’achat au niveau européen.

Dans un communiqué publié le 19 février, la FNSEA dénonçait cette stratégie des enseignes en ces termes : « l’utilisation des centrales d’achat européennes, dont la vocation est de contourner les lois françaises en déplaçant les lieux de négociation et la course effrénée aux prix toujours plus bas sans respect des maillons de la chaîne alimentaire ont un impact direct sur l’affaiblissement de nos filières agricoles. Le monde de la distribution se doit d’assumer ses responsabilités et respecter les lois Egalim ».

Le même jour, dans un entretien accordé au quotidien « Les Échos », Michel-Edouard Leclerc précisait sa stratégie en ces termes : « Ce que l’on fait avec nos marques de distributeurs, qui représentent 46% de notre volume d’affaires et 37% en valeur, est une double démonstration de l’attractivité des produits à bas prix et de qualité (…) Il y a quelques grands groupes qui font des points de fixation . Mais nous devrions parvenir à nous entendre. Sinon tant pis, on n’exclut pas de retirer certaines références de nos rayons. Nous l’avons déjà fait l’an dernier, mais dans ce cas là personne n’y gagne ».


Les distributeurs ne fabriquent pas les produits de leurs marques

Pour comprendre la signification de ces propos, il faut savoir que « les marques de distributeurs ne sont pas produites par les enseignes, mais par leurs fournisseurs. Ces derniers se voient contraints de produire une partie de leurs volumes de produits transformés sous la marque du distributeur afin de permettre à ces derniers de vendre leur propre marque dans les magasins Leclerc, Carrefour, Auchan, et les autres. Dans le Figaro du 20 février, on apprenait que 37% des ventes de produits alimentaires commercialisés par Carrefour sont produits par des fournisseurs de l’industrie agroalimentaire sous la marque Carrefour. Plus grave encore, avec la création de centrales d’achat européennes dont le siège est situé hors de France, les lois Egalim visant à tenir compte de l’évolution des coûts de production dans la formation des prix sont contournées en permanence. Car plus on importe de la viande de porc, de volailles et de bovins, mais aussi des fruits et légumes, plus le recul de la demande en produits français fait reculer dans les salles de cotation les prix finalement payés aux paysans en France.

A l’issue de sa rencontre avec les syndicats agricoles, le président Macron a entamé sa visite en considérant que la nouvelle « Loi d’orientation agricole est une grande nouvelle pour produire et nourrir les Français mais aussi pour exporter ». Puis il s’est déclaré opposé à l’accord de libre échange avec les pays du Mersosur « tel qu’il a été signé » récemment par Ursula Von der Leyen, sans toutefois faire référence à la présidente de la Commission européenne. Mais il est favorable à celui conclut en 2016 avec le Canada et entré aussitôt en application sans jamais avoir été approuvé par les pays membres de l’Union européenne. Constatant que « beaucoup d’agriculteurs sont dans une situation difficile » il a déclaré que l’agriculture ne pouvait pas être en France « la variable d’ajustement du pouvoir d’achat ». Après la visite inaugurale tendue de 2024, le chef de l’Etat éprouvait le besoin de se montrer rassurant en 2025.

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