Bangladesh: le gouvernement appelle à l'unité pour «éviter le retour de l'autoritarisme»
Le gouvernement par intérim du Bangladesh a prévenu samedi qu'il fallait maintenir l'unité pour «éviter le retour de l'autoritarisme», au moment où l'un des principaux partis politiques le presse d'organiser des élections avant la fin de l'année. «Une large unité est essentielle pour maintenir la stabilité nationale, organiser des élections libres et équitables, pour la justice et les réformes, et éviter le retour de l'autoritarisme dans le pays de manière pérenne», a déclaré le gouvernement intérimaire dans un communiqué, au bout d'une semaine de tension entre les partis politiques rivaux qui ont manifesté à Dacca.
Le chef du gouvernement provisoire du Bangladesh, Muhammad Yunus rencontrera samedi soir les principaux partis faisant pression sur son gouvernement, quelques jours après avoir menacé de démissionner, a annoncé le responsable de son service de presse. Le prix Nobel de la paix est revenu d’exil à la demande des manifestants, affirme qu’il a le devoir de mettre en œuvre des réformes démocratiques avant des élections qui devraient avoir lieu au plus tard en juin 2026. «Si l’autonomie du gouvernement, ses efforts de réformes, le processus judiciaire, le projet électoral équitable et son fonctionnement normal sont entravés au point de rendre sa tâche ingérable, il prendra avec le peuple, les mesures nécéssaires», a-t-il déclaré, sans fournir d’autres précisions.
Ce pays d'Asie du Sud, qui compte environ 170 millions d'habitants, est en proie à des troubles politiques depuis que l'ex-première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations menées par des étudiants en août 2024.
Selon le communiqué, le gouvernement a été confronté à des «exigences déraisonnables, et à des déclarations délibérément provocatrices» qui ont «entravé d'une manière continuelle» son travail. M. Yunus a menacé de démissionner, avaient rapporté jeudi des sources au sein de son bureau et un de ses alliés politiques. Wahiduddin Mahmud, à la tête du ministère des Finances et de la Planification, a toutefois confié samedi devant la presse que M. Yunus ne démissionnerait pas dans un avenir proche. «Nous devons assumer les responsabilités qui nous ont été confiées», a-t-il dit. «Nous ne pouvons tout simplement pas abandonner nos fonctions».
Rencontre avec les principaux partis
L'équipe de M. Yunus a confirmé à l'AFP qu'il rencontrerait les dirigeants du puissant Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), donné favori des élections, et du Jamaat-e-Islami, le plus grand parti islamiste de ce pays à majorité musulmane. Le BNP a confirmé sa présence, Jamaat-e-Islami qu'il était invité. Ces deux partis ont manifesté contre le gouvernement. Mercredi, des milliers de partisans du BNP ont ainsi protesté pour la première fois contre le gouvernement provisoire et exigé que M. Yunus fixe une date d'élections. Le BNP exige que les élections aient lieu d'ici décembre.
«S'il n'est pas en mesure d'annoncer une date précise pour des élections d'ici décembre, nous allons reconsidérer notre soutien à son administration», a déclaré un haut dirigeant du BNP, Salahuddin Ahmed, dans une interview vendredi à une chaîne de télévision privée. M. Yunus a indiqué que des élections pourraient avoir lieu dès décembre, mais qu'une date plus tardive, juin au plus tard, donnerait plus de chances au gouvernement pour conduire des réformes. Mercredi, des médias locaux ont rapporté que le chef d'état-major, le général Waker-Uz-Zaman, s'était prononcé publiquement pour la tenue d'élections générales dans le pays d'ici décembre.
Mise en garde du leader étudiant
Devant des journalistes, Nahid Islam, à l'avant-garde de la révolte menée par les étudiants qui a renversé Mme Hasina, a mis en garde samedi contre le risque d'un futur gouvernement soutenu par l'armée, dans une situation similaire à celle du 11 janvier 2007 -- lorsque l'état d'urgence avait été déclaré, entraînant un gouvernement soutenu par l'armée pendant deux ans.
«Il y a des indications qu'un gouvernement soutenu par l'armée, du style de celui de janvier 2007, pourrait réémerger -- un gouvernement qui serait anti-démocratique et anti-populaire», a déclaré M. Islam, un allié de M. Yunus qui a participé à son cabinet. Toujours selon M. Islam, M. Yunus lui aurait dit lors d'une rencontre jeudi que «s'il est pris en otage par la situation et forcé de répondre aux demandes sous pression, il ne sera pas possible pour lui de continuer».