Y aura-t-il un budget pour Noël ? Au lendemain du rejet quasi unanime de la partie «recettes» du projet de loi de finances par les députés - envoyant l’ensemble du texte au Sénat sans même que le volet «dépenses» ait pu être examiné - , les spéculations vont bon train sur l’adoption de ce dernier dans les délais constitutionnels. Malgré l’impasse, le gouvernement affiche un certain optimisme : le ministre de l’Économie Roland Lescure se dit convaincu qu’un «compromis» peut «se construire», tout comme la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui refuse de céder «à la résignation».
Mais l’espoir est loin d’être partagé. Et pour cause : conséquence directe des législatives post-dissolution de 2024, l’Assemblée, plus fragmentée que jamais, ne laisse entrevoir aucune majorité favorable sur le budget. Illustration de cet enlisement : dans la nuit de vendredi à samedi, les groupes de gauche et le Rassemblement national (RN) ont voté contre, pendant que le camp gouvernemental s’est scindé entre votes contre et abstentions. Face à cette impasse, l’exécutif pourrait être contraint de recourir à une «loi spéciale» d’ici à la fin de l’année - autrement dit, une reconduction temporaire du budget 2025, permettant à l’État de continuer à prélever les impôts existants, le temps qu’un nouveau texte soit adopté. De quoi satisfaire une partie des oppositions, insatisfaites de la version amendée du projet budgétaire, malgré plusieurs semaines de débats intenses à l’Assemblée.
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Passer la publicitéSi le premier ministre a affirmé ce vendredi que ce n’était «pas la solution», ce scénario est d’ores et déjà envisagé par Éric Coquerel, président insoumis de la commission des Finances de l’Assemblée, et même privilégié par plusieurs cadres du camp présidentiel. Mais également par Bruno Retailleau, qui s’est dit ce dimanche dans Le Parisien favorable à cette option, qu’il préfère à un budget «appauvrissant les Français». Même tonalité du côté de l’eurodéputée Reconquête, Sarah Knafo : invitée du Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Public Sénat, elle a reconnu que cette issue s’imposait «malheureusement». Car, selon l’élue zemmouriste, la multiplication de taxes au fil des années rend, les «budgets précédents», «affreux et indignes de notre économie» à ses yeux, toujours «préférables à celui de l’année d’après».
Un plan de 80 milliards d’euros d’économies
Reste que Sarah Knafo mise sur une autre hypothèse : l’adoption d’un budget par ordonnances, afin d’y intégrer les concessions faites aux socialistes en échange de leur non-censure. Parmi celles-ci figurent notamment la suspension de la réforme des retraites et l’instauration d’un «impôt sur la fortune improductive», une idée que l’élue strasbourgeoise tourne en dérision, la qualifiant d’«imaginée par le RN et proposée par le MoDem». «L’Assemblée est bloquée, mais dès lors qu’il s’agit de s’entendre pour créer des taxes et de les voter, là tout le monde s’entend», ironise-t-elle, tout en déplorant une «catastrophe» budgétaire et un pays en voie de «déclin».
Chantre d’un plan d’économies de 80 milliards d’euros, assorti d’une baisse de 20 milliards d’euros des prélèvements obligatoires, la figure nationaliste souhaite avant tout que l’État apprenne à «dépenser moins». Dans son viseur : l’aide publique au développement, les prestations non contributives accordées aux étrangers (RSA, aides au logement...), le soutien public aux éoliennes, la politique de la ville, ainsi que certaines agences publiques jugées «obsolètes voire nuisibles», à l’image de l’Ademe, France Travail, ou l’Arcom. «Comme d’habitude, la folie consiste à reproduire les mêmes recettes qui ont échoué, à savoir toujours augmenter davantage les impôts pour pouvoir toujours dépenser davantage», épingle Sarah Knafo, appelant à un «renversement de logique». En clair : «Dépenser moins pour pouvoir taxer moins pour que les Français et les entreprises gagnent plus.»