Droits de douane : ce que représentent les investissements directs français aux États-Unis qu’Emmanuel Macron veut freiner

« Quel serait le message d’avoir des grands acteurs européens qui se mettent à investir des milliards d’euros dans l’économie américaine au moment où ils sont en train de nous "taper" ? », a lancé Emmanuel Macron jeudi dernier, lors d’une réunion avec les représentants des secteurs économiques les plus exposés aux droits de douane américains. Cette mise en garde du président français intervient alors que les relations commerciales entre Washington et l’Union européenne se tendent à nouveau. En cause, la décision de Trump d’augmenter les droits de douane sur les produits européens. Un protectionnisme jugé inacceptable par Paris, qui cherche désormais à coordonner une «riposte» au niveau européen.

Selon Emmanuel Macron, cette nouvelle salve de mesures douanières aurait un « impact massif » sur l’économie française, soulignant que les exportations vers les États-Unis représentent environ 1,5% du PIB français. Le président a précisé que la première réponse, prévue pour mi-avril, concernerait les surtaxes sur l’acier et l’aluminium, tandis qu’une seconde réponse, serait élaborée à la fin du mois, après une étude sectorielle et une concertation avec les autres membres de l’UE. Mais aussi, Emmanuel Macron a appelé à «suspendre» temporairement les investissements aux États-Unis. Ce matin, c’était au tour du ministre de l’Économie de mettre une nouvelle pièce dans la machine. «Il est clair que si une grande entreprise française acceptait d’ouvrir une usine aux États-Unis, ce serait donner un point aux Américains», a déclaré Éric Lombard, avant d’en appeler au «patriotisme».

Un poids stratégique dans l’économie américaine

Ces annonces posent une question clé pour l’économie française : celle du poids des entreprises tricolores outre-Atlantique. Si les investissements directs français aux États-Unis (IDE) – c’est-à-dire les prises de participation durable dans des entreprises américaines – font de la France le cinquième investisseur étranger dans le pays, les autres investissements industriels et commerciaux sont tout aussi stratégiques. L’Inflation Reduction Act (IRA), vaste plan de subventions américaines, a notamment attiré plusieurs groupes français, séduits par les incitations fiscales mises en place par Washington.

Les investissements directs étrangers (IDE) sont des investissements réalisés par une entité dans une autre entreprise étrangère, visant généralement à prendre le contrôle d’une société ou à établir une filiale. Ces investissements sont souvent motivés par la réduction des coûts de production, l’accès à de nouveaux marchés, ou la proximité de ressources naturelles.

D’après les données du Bureau of Economic Analysis (BEA), le stock des investissements directs français aux États-Unis s’élevait à 370 milliards de dollars (soit environ 335 milliards d’euros) en 2023, représentant 6,9% du total des IDE entrants aux États-Unis. En comparaison, les investissements directs américains en France s’élevaient à 142,1 milliards de dollars en 2023, faisant des États-Unis le premier investisseur étranger en France. La France est ainsi le cinquième investisseur étranger aux États-Unis, et parmi les plus importants dans des secteurs de pointe comme la haute technologie, la défense, la sécurité, la santé et la biométrie.

Les IDE français ne sont pas seulement un vecteur de croissance économique pour les États-Unis, ils jouent aussi un rôle essentiel dans la création d’emplois. Ces investissements créent des centaines de milliers d’emplois aux États-Unis. Selon le BEA, les entreprises françaises employaient plus de 741 000 personnes aux États-Unis en 2021, et le secteur manufacturier représentait à lui seul plus de la moitié de ces investissements, soit environ 213 600 emplois directs. Cette forte présence fait de la France un acteur incontournable de l’économie américaine, avec des entreprises comme L’Oréal, Airbus, ou PSA.

Au-delà des IDE, c’est aussi la dynamique des investissements productifs des multinationales françaises qui est en jeu. Avant la mise en place des nouveaux droits de douane, plusieurs entreprises françaises avaient annoncé des investissements massifs aux États-Unis. Par exemple, l’armateur CMA CGM avait prévu d’investir 20 milliards de dollars sur quatre ans, et Schneider Electric comptait investir plus de 700 millions de dollars dans l’intelligence artificielle et les énergies renouvelables d’ici 2027. À la suite de l’annonce de l’augmentation des droits de douane, des groupes, comme Saint-Gobain, ont choisi de maintenir leurs investissements, arguant que ces décisions avaient été prises indépendamment des nouvelles taxes.

Emmanuel Macron a donc appelé à l’unité au sein des entreprises françaises et européennes face à ces nouvelles tensions commerciales, il a par ailleurs mis en garde les entreprises contre la tentation de « jouer solo ».