80 ans de la Libération : la tragique histoire des trente fusillés de Sainte-Radegonde
On connaît le terrible massacre d’Oradour-sur-Glane du 10 juin 1944. Combien d’autres atrocités furent commises cet été-là, alors que la pression s’était accentuée sur l’armée allemande après le Débarquement du 6 juin? Pour le 80e anniversaire de ces évènements, de nombreuses commémorations sont organisées dans des communes françaises. L’une d’elles se tient à Sainte-Radegonde, en Aveyron, ce samedi 17 août.
Chaque année, la commune de 1800 âmes rend hommage à trente prisonniers assassinés par les Allemands le 17 août 1944. Cette année-là, les actions résistantes s’étaient multipliées dans le département, de plus en plus violentes, comme l’était la répression nazie contre les maquisards. À la mi-août, alors que les Allemands s’apprêtent à quitter Rodez, ordre est donné d'exécuter les prisonniers de la ville.
Un officier allemand refuse de fournir un peloton d’exécution. C’est donc un détachement d’un bataillon SS de la Luftwaffe arrivé d’Albi qui se charge de la basse besogne. Trente hommes sont extraits de la caserne Burloup qui sert de prison. La plupart d'entre eux sont de jeunes résistants français âgés de 17 à 30 ans. Quatre sont étrangers, un Allemand, un Espagnol et deux Polonais.
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Les prisonniers entonnent la Marseillaise
Attachés deux par deux avec des fils électriques, ils sont embarqués dans des camions bâchés et conduits près de la butte du champ de tir de Sainte-Radegonde, un terrain d’entraînement où la garnison de Rodez venait s’entraîner. Les prisonniers sont alignés en rang dos à la butte, le regard tourné vers Rodez. Selon plusieurs habitants de Sainte-Radegonde qui assistèrent de loin au massacre, plusieurs prisonniers auraient alors entonné la Marseillaise... Au chant patriotique succède celui des mitraillettes. On achève les blessés. Puis les trente cadavres sont enterrés à la hâte.
Plusieurs des auteurs de ce massacre ont subi le même sort que leurs victimes. Par la suite, trois soldats allemands et une soixantaine d'Azéris de la Légion ayant participé à la tuerie de Sainte-Radegonde sont faits prisonniers à Saint-Privat, en Ardèche. Le 3 septembre 1944, les maquisards ardéchois les fusillent sans jugement.
Quelques jours plus tôt, 20 août 1944, une grande cérémonie d’hommage avait rassemblé des milliers de personnes à Rodez pour célébrer la mémoire des victimes de Sainte-Radegonde. La foule s’était massée autour des cercueils disposés place d’Armes autour du monument aux morts. Quelques jours après l'exécution, des femmes de la Résistance avaient aussi érigé une croix de Lorraine au-dessus de la butte et de la tranchée des fusillés. C’est là qu’un monument fut finalement inauguré le 18 août 1946. Dédié à l'ensemble des victimes du nazisme en Aveyron, il rend particulièrement hommage aux trente fusillés de cette terrible soirée du 17 août 1944. Un gisant sculpté représente deux hommes torse nu, allongés et ligotés.
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Un médaillé aux JO de 1936 à Berlin
Cette année, pour le 80e anniversaire du drame, Sainte-Radegonde a voulu donner une épaisseur particulière aux commémorations. À 14 heures 30, une randonnée partira des casernes Burloup. À 17 h 30, Paul Wormser, l'un des trente fusillés, sera particulièrement mis à l'honneur avec l’inauguration d’une rue portant son nom. Ce Juif alsacien avait remporté une médaille de bronze par équipes à l'épée aux Jeux olympiques de Berlin en 1936. Après avoir rejoint sa famille qui s’était réfugiée en Aveyron pendant la guerre, il avait été arrêté le 16 juillet pour avoir aidé des résistants. L’hommage aux victimes de la tuerie du 17 août se tiendra à 18 heures.
«Nous avons la chance de pouvoir commémorer cet évènement sur les lieux tels qu’ils étaient au moment du massacre», souligne auprès du Figaro la première édile de Sainte-Radegonde, Laurence Pagès-Touzé qui prévoit de refaire prochainement le mémorial. «Beaucoup de massacres qui ont eu lieu sur des bords de route ou en rase campagne ne peuvent être marqués que d’une petite stèle. À Sainte-Radegonde, le site est resté intact, ce qui lui donne une force d’évocation particulière», explique-t-elle.