«Les choses sont en train de bouger» : comment la lutte contre les mortiers d’artifice dangereux s’intensifie

Les contrôles ont débuté dimanche et vont se poursuivre ce lundi pour débusquer les détenteurs et revendeurs de mortiers d’artifice, alors que les festivités du 14 Juillet vont encore résonner jusque tard dans la nuit. Depuis plusieurs mois, les forces de l’ordre ont dans le collimateur tous ceux qui utilisent illégalement ces feux d’artifice, dont la vente est réglementée, voire qui les détournent de leur fonction festive pour en faire des armes par destination. Mort de Nahel à Nanterre, victoire du Paris-Saint-Germain en finale de la Ligue des Champions... Tout est prétexte à faire exploser sa joie ou sa colère au diapason de ces engins pyrotechniques pourtant très dangereux. Cette nuit, alors que des rassemblements étaient redoutés à l’occasion de la finale de la Coupe du monde des clubs, pas moins de 15.000 mortiers ont été saisis, a annoncé le préfet de police de Paris Laurent Nuñez. Au total, la police a procédé à «plus de 250 contrôles de voie publique, de véhicules, de commerces qui vendent ce type d’artifice, pour la seule agglomération parisienne». Donnant lieu à 176 interpellations dont 43 étaient liées à la détention ou à l’usage de mortiers, a-t-il précisé.

«Quinze mille mortiers, c’est énorme», a insisté le préfet, assurant que les mesures de sécurité resteront soutenues jusqu’à mardi, avec notamment la sécurisation lundi soir du feu d’artifice des Champs-Élysées, qui devrait attirer, selon lui, plusieurs dizaines de milliers de personnes. De quoi empêcher les débordements ? C’est ce que veut croire la préfecture de police de Paris, qui a - depuis 2023 - mis en place «un plan de prévention contre les tirs de pétards et mortiers» à destination des publics scolaires mais aussi des commerçants, qui prévoit une mobilisation opérationnelle de tous les acteurs concernés durant les festivités du 14 Juillet. De quoi rappeler que «la détention et l’acquisition d’articles pyrotechniques qui présentent un danger élevé sont réservées aux seules personnes possédant des connaissances particulières leur permettant d’en assurer la manipulation ou l’utilisation».

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Des artifices détournés de leur usage

Et c’est bien tout le problème, aujourd’hui, tout le monde peut se procurer aisément ces mortiers d’artifice sur Internet comme dans n’importe quel magasin spécialisé, comme ne cessent de le dénoncer les fédérations professionnelles. Ces dernières soulignent en effet que ces produits sont «dangereux» et qu’à ce titre, ne devraient pas se retrouver dans les mains de n’importe qui. Fumigènes, fusées, pétards, bengales, volcans, chandelles romaines... Plusieurs types d’artifices «sont identifiés comme étant détournés de leur usage», concède-t-on du côté du cabinet du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui cite les plus utilisés d’entre eux. Au premier rang, les chandelles romaines - tubes en carton vide «qui vont servir à lancer une bombe d’artifice» - souvent «utilisées soit pour créer de véritables feux d’artifice “sauvages”, avec le risque de passer par une fenêtre d’habitation et de déclencher un incendie, soit lancées à tir tendu contre les forces de l’ordre, pour blesser, ou entraver leur progression».

Le ministère pointe également l’usage problématique «de plus en plus fréquent» d’engins pyrotechniques complètement détournés de leur usage premier. Parmi eux, les «articles pyrotechniques nautiques» comme les fusées de détresse et autres torches à main, mais aussi du «matériel professionnel», comme les effaroucheurs à animaux ou explosifs de signalisation, ou encore les «pétards dits “flash-bangers”, non autoprojectibles, mais à très fort pouvoir détonnant énergétique et sonore». Certains d’entre eux peuvent atteindre les 125 décibels, l’équivalent d’une perceuse électrique, et sont «de plus en plus utilisés à des fins criminelles aux Pays-Bas et en Espagne», le cabinet de Bruno Retailleau. Un moyen sans doute d’éviter d’avoir directement aux mortiers d’artifice dont la vente est interdite à quiconque n’a pas produit au préalable son certificat de qualification.

Durcir la législation européenne

«C’est une véritable préoccupation», a à nouveau insisté Bruno Retailleau en cette journée symbolique du 14 juillet ce lundi depuis la place de la Concorde. «On sait parfaitement qu’un certain nombre de ces mortiers viennent de Chine et transitent par des pays européens (...) j’ai demandé à ce qu’on durcisse la législation européenne», a-t-il déclaré sur Cnews, prenant l’exemple de ce qu’il se passe dans d’autres pays européens. «C’est vraiment une guerre», a-t-il poursuivi. En France, le ministre assure être parvenu «ces derniers mois à confisquer des milliers de livraisons de mortiers d’artifice». Mais «cela ne suffit pas», lance-t-il, convaincu que certains pays européens acceptent «par une législation laxiste» de recevoir ces colis. Un «travail fondamental» à mener pour éviter que des drames se produisent.

En attendant, les collectivités locales n’ont d’autres choix que de prendre des arrêtés préfectoraux en amont du 14-Juillet ou encore de la Saint-Sylvestre, pour interdire «pour une durée déterminée» la cession à titre onéreux ou non des artifices de divertissement des catégories F2 à F4 ainsi que celle des articles pyrotechniques des catégories T2 et P2, les plus dangereux. Le port et le transport par des particuliers de ces artifices peuvent également être interdits. Dans le cas contraire, les contrevenants pourront être interpellés pour «mise en danger de la vie d’autrui», «violences avec arme par destination ou de guet-apens» ou encore «acte d’intimidation». Sachant que des contrôles administratifs peuvent être réalisés en amont de l’événement, «dans les établissements susceptibles de se livrer à la vente illégale de ces articles».

Le commerçant qui vend des artifices en violation de la réglementation encourt désormais une peine de 6 mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. Des peines portées à un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende si le délit est commis au moyen de l’utilisation d’un réseau de communications électroniques. Face au fléau de la vente «sous le manteau», réalisée directement sur les réseaux sociaux, la préfecture de police de Paris explique être en mesure d’exploiter les signalements Pharos, afin d’identifier les vendeurs. Résultat, en quelques années, le nombre de jets de mortiers recensé a nettement baissé «quasiment divisé par deux» en comparaison à ces dernières années, souligne la PP. L’an passé, lors des 13 et 14 juillet 2024, 400 tirs avaient été comptabilisés, contre 825 en 2022 et 740 en 2021. Et Bruno Retailleau d’assurer que «les choses sont en train de bouger».