Sur les podiums de Milan, l’habit fait la femme

« Une rencontre fortuite lors d’une soirée londonienne brumeuse autour d’un apéritif a donné naissance à une fusion créative entre Francesco Risso, Olaolu Slawn et Soldier Boyfriend », lit-on dans la note d’intention du show Marni de mercredi. Ce jour-là, le créateur italien, l’artiste nigérian (designer des Brit Awards) et la coqueluche de l’art contemporain britannique, ont fondé The Pink Sun, un studio éphémère qui a donné naissance à cette collection de l’hiver prochain. Sur le papier, cela ressemble à un cadavre exquis. Sur le podium, ça l’est aussi. Exquises, ces silhouettes qui ont la poésie d’un collage d’enfant, associant couleurs criardes et bruns sombres, tissus bon marché et étoffes luxueuses, look vintage et esprit underground. Exquises aussi, ces filles aux yeux fardés, en robes années 1940 à grosse fleur brodée sur l’épaule, traînant un boa entre les tables d’un bar en carton-pâte. Francesco Risso, avec ou sans acolyte, a le chic pour inventer un univers, une féérie loufoque qui donne envie d’en être. V. G.

Défilé automne-hiver 2025-2026 Marni. SDP

« S’habiller est toujours une prise de risque », indique la note d’intention du défilé Emporio Armani. Connu pour avoir révolutionné le vestiaire avec ses coupes sobres, souples et intemporelles, Giorgio Armani n’a jamais été un partisan des tendances éphémères et de l’extravagant. Mais à 90 ans, il milite pour proposer chez Emporio « une attitude libre et instinctive », placée sous le signe du jeu et du hasard avec le motif de la saison : les cartes à jouer et leurs couleurs - pique, cœur, trèfle et carreau - imprimées sur des robes en soie lavée, ou en jacquard sur de longs manteaux de laine au col décalé. La ligne Emporio a toujours exploré les codes du sportswear mais en retournant à ses origines, celles de Claire McCardell dans l’Amérique de l’après-guerre qui se basait sur le confort et la féminité, et non sur des logos ou de la technicité. Ici, les ensembles en velours rubis souples comme des pyjamas se sophistiquent de bérets assortis et de nœuds lavallières. De fausses fourrures (le maestro milanais a été l’un des premiers à annoncer qu’il arrêtait la fourrure animale en 2016) injectent de l’opulence à cette silhouette d’hiver - un couple en manteau yéti défile enlacé. Assez inédites sur un podium Armani, des silhouettes rock donnent envie, à l’image de cette fille en longue veste androgyne à col claudine, pantalon ample en velours bleu nuit, derbys cloutés et faux col de chemise noué d’une cravate. H. G.

Défilé automne-hiver 2025-2026 Emporio Armani. SDP

Le défilé MM6, qui s’est tenu jeudi à Milan, a réveillé « la femme Martin » en nous. Pour rappel, Martin Margiela - à nos yeux, l’autre génie de la mode du XXsiècle avec Coco Chanel - a choisi de changer de vie et de vendre sa marque à Renzo Rosso, le fondateur du groupe OTB, en 2009. Cinq ans plus tard, le magnat italien recrutait John Galliano pour reprendre la ligne Maison Margiela et la collection de haute couture Artisanal, quand le label MM6 évoluait indépendamment sous la charge d’un studio créatif anonyme. Si toutes les collections, quel que soit leur nom, faisaient référence aux codes de la maison, l’esprit du Martin des débuts - ce prêt-à-porter révolutionnaire autant par sa créativité que par sa capacité à habiller toutes sortes de femmes - était largement sous-exploité. Trente-sept ans après la création de sa maison, seize ans après son départ, il était temps de faire revivre cette silhouette. Sur le podium de MM6, elle révèle son intemporalité exceptionnelle et sa technicité conceptuelle. Comme elle nous avait manqué, cette femme au classicisme radical avec ses blazers à épaules carrées (réalisées à l’aide de « cintres » amovibles), ses lunettes bandeau, son pull camionneur étiré à mi-cuisses, ses jeans et pantalons de smoking révélant les coutures comme s’ils étaient retournés, ses vestes traversées au dos d’un pan de doublure, ses trenchs déstructurés… Martin, maintes fois copié, jamais égalé. H. G.

Défilé automne-hiver 2025-2026 MM6. SDP

Il y a souvent un double discours dans une collection de mode. Ce que vous raconte le créateur, ses inspirations. Et ce que vous disent les vêtements eux-mêmes. Dans le cas de Tod’s, vendredi après-midi, à Milan, c’est particulièrement vrai. Rencontré la veille alors qu’il met la dernière main au vestiaire de l’hiver prochain, Matteo Tamburini explique : « Tout est parti du lieu du défilé, le PAC, le Padiglione d’Arte Contemporanea. Cet espace d’exposition conçu en 1954 par Ignazio Gardella dans la droite ligne de la modernité rationnelle italienne est un symbole de résilience et de transformation. En 1993, un attentat à la bombe perpétré par la mafia près de la Villa Reale a gravement endommagé le bâtiment. Sa reconstruction était un acte de résistance culturelle. Ce cheminement entre destruction et renouveau m’a beaucoup influencé. » Il cite également ses trois artistes préférés, Carla Accardi, Alberto Burri et le photographe Franco Fontana. Sur le podium, au son des Smiths et de la cultissime BO de Metti una sera a cena d’Ennio Morricone, les manteaux d’officier ceinturés en drap de laine, les trenchs en cuir nappa à tomber, les pantalons au cordeau clament leur redoutable efficacité. Des pulls d’homme en mérinos passés sur des jupes en mousseline émanent une sensuelle modernité. Tout comme des superpositions de maille chaussette sur robe en biais de satin et de ce sublime manteau de fausse fourrure imitant celle du putois. Le nouveau sac seau décliné de l’emblématique D-Bag avec cette petite sangle pour y glisser le doigt, les bottes à gros talons en bois, les mocassins souples comme des chaussons racontent cette féminité en mouvement de celles qui avancent dans la vie à grandes enjambées. Un vestiaire qui parle à toutes les femmes. Tout simplement. V. G.

Défilé automne-hiver 2025-2026 Tod’s. SDP