« Ils ont sorti des fusils » : le maire de Fontjoncouse raconte l’escalade de la Rave Party dans l’Aude

Quelques semaines après l’incendie qui a détruit 16.000 hectares dans l’Aude, une rave party illégale s’est installée entre Fontjoncouse et Coustouge sur les terres ravagées par les flammes. Le rassemblement, qui a attiré jusqu’à 2500 personnes, a fait naître une profonde colère chez les habitants et les viticulteurs locaux, confrontés à de l’agressivité, des menaces et des dégradations sur des terres privées déjà sinistrées. Christophe Tena, maire de Fontjoncouse, raconte au Figaro les heures tendues qu’a traversées son village de 134 habitants.

Comment avez-vous appris l’existence de cette rave party illégale ?

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Christophe TENA. - Tout a commencé vendredi soir. J’ai entendu mes chiens aboyer, puis j’ai vu une file interminable de camions. Je me suis d’abord dit qu’ils allaient simplement traverser le village, mais j’ai vite compris qu’ils comptaient s’installer.

Nous sommes allés bloquer l’accès principal du terrain de 22 heures jusqu’à 2 heures du matin, puis la gendarmerie nous a rejoints. Dès les premières discussions, le ton est monté : ils étaient agressifs. Dans les voitures, on voyait clairement des haches, des bâtons.

D’autres maires, confrontés à ce genre de rassemblements, m’avaient prévenu que certains de ces groupes peuvent être dangereux. J’ai donc réagi immédiatement.

Vous avez parlé d’altercations violentes. Comment les choses ont-elles dégénéré ?

La tension est montée tout au long du week-end. Les premiers accrochages ont eu lieu dès vendredi, même si c’était assez calme. Mais dimanche, le point de rupture a été franchi. Des viticulteurs, en plein dans la saison des vendanges, sont venus exprimer leur colère. L’un des organisateurs a reconnu le propriétaire du terrain, un homme qui a tout perdu dans les incendies d’août, et lui a proposé de l’argent en liquide, comme un arrangement. Or ça a mis le feu aux poudres.

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Lundi, la situation a complètement dégénéré. Les vignerons sont entrés d’un côté du camp, équipés de bâtons, et ont commencé à s’en prendre aux véhicules pour faire comprendre que ce n’était pas leurs terres. Plusieurs voitures ont été retournées à coups de tracteurs. Puis ils sont ressortis de l’autre côté. C’était une révolte vigneronne.

Comment ont réagi les participants de la Rave Party ?

En face, certains étaient armés. Des fusils à canon scié, des pistolets... Ils ont clairement menacé les viticulteurs. Je crois qu’ils pensaient que sortir des armes suffirait à intimider. Mais les vignerons n’ont pas reculé. Ils sont venus de toute la région : Aude, Minervois, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales. Ils étaient en colère, à bout de nerfs.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Le site est-il évacué ?

Le calme est revenu, oui, mais tout n’est pas terminé. À l’heure où je vous parle, il reste encore environ 400 personnes sur place. Le site ne sera pas libéré avant 19h ou 20h ce mardi soir. En tout il y avait plus de 500 camions à faire sortir, et un seul chemin praticable pour les poids lourds. Chaque camion est contrôlé par la gendarmerie, ce qui ralentit énormément les choses.

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Et pour l’instant, rien n’est nettoyé. Les organisateurs affirment qu’ils vont ramasser, mais si ce n’est pas fait, il faudra s’organiser nous-mêmes.

Comment s’est passée la coordination avec l’État et les forces de l’ordre ?

J’ai été en contact direct avec le préfet dès vendredi soir. On s’est parlé plusieurs fois par jour, jusqu’à hier encore. Il m’a assuré qu’il avait mis tous les moyens à disposition. La montée en puissance des renforts a été décisive. Le nombre de gendarmes a été augmenté, puis un lot de CRS a été déployé. Beaucoup de participants sont partis à partir de ce moment-là.

Personne n’avait anticipé un afflux aussi massif. Mais une fois la gravité mesurée, l’État a réagi. Il y avait aussi un arrêté préfectoral, actif depuis les incendies, et un arrêté municipal, pris dès la mi-juillet, interdisant tout accès au massif.

Tous les participants ont été verbalisés. Chaque départ est contrôlé, avec dépistages de stupéfiants et d’alcoolémie. A minima, ils repartent avec une amende de 135 euros due aux arrêtés.

Comment envisagez-vous la suite pour votre commune ?

On va devoir se relever. Le site est abîmé, certaines parcelles ont été piétinées, des clôtures ont été arrachées. On va se réunir avec le conseil municipal dans les jours qui viennent pour voir comment réagir à tout ça.

Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra du temps. Et si les lieux ne sont pas nettoyés par les organisateurs, il faudra compter sur la solidarité. On ne peut pas laisser deux ou trois propriétaires seuls face à ce désastre. J’espère que le village va se mobiliser.

La dernière fois qu’on a vu autant de camions ici, c’était pendant les incendies. Et très franchement, j’espère que c’est aussi la dernière fois qu’on vivra ça.