Notre critique de La Tour de glace : un conte cruel hivernal et sensuel

Notre critique de La Tour de glace : un conte cruel hivernal et sensuel

Marion Cotillard incarne une étrange Reine des neiges dans le film La Tour de glace de Lucille Hadzihalilovic, ours d’argent lors de la dernière Berlinale. Metropolitan Filmexport

Ours d’argent à la 75e Berlinale, le quatrième long-métrage de Lucille Hadzihalilovic orchestre un face-à-face envoûtant et glaçant sans le moindre prince charmant. Marion Cotillard est magnétique et fascinante en Reine des neiges inaccessible.

Passer la publicité Passer la publicité

Des flocons volent dans la nuit, saisis à travers le prisme d’un kaléidoscope. Une musique rêveuse et hypnotique accompagne cette étrange entrée en matière. Les premières images de La Tour de glace  donnent le ton. Les codes du conte de fées sont là. Le fantastique pointe doucement le bout de son museau.

Dans un orphelinat niché à flanc de montagne, une adolescente à la voix fluette lit un extrait de La Reine des neiges  à une gamine sur le point de s’endormir. Dehors, une tempête de neige fait rage. La jeune fille (Clara Pacini, nouvelle venue à la grâce déjà présente) décide de fuir cet endroit lugubre. La fugueuse ne tarde pas à trouver le chemin de la ville. Les ombres, le froid et le vent s’acharnent sur elle. Les lumières d’une patinoire l’attirent. Une patineuse nommée Bianca la subjugue. Ce qui ne l’empêchera pas de lui voler son sac et ses affaires. Égarée, l’orpheline en cavale finit par se réfugier dans les sous-sols d’un théâtre.

Passer la publicité

Une relation ambiguë

Au petit matin, s’aventurant dans la chaufferie de l’établissement, elle surprend par l’entrebâillement de la porte le tournage d’un film adapté du conte de Hans Christian Andersen. En jouant les petites souris, Jeanne tombe en arrêt devant Marion Cotillard, aussi impérieuse qu’impériale. Telle une diva des glaces inaccessible, Cristina van der Berg incarne une Reine des neiges tyrannique qui mène la vie dure à tous les membres de l’équipe du film. Cotillard a surpris la petite intrigante. Elle ne dira rien. C’est leur secret.

Une relation ambiguë se noue au fil des jours entre la jeune fugueuse tombée sous le charme de son Pygmalion, qu’elle idéalise en figure maternelle. Après la traversée du désert blanc de la montagne, la jeune héroïne se jette dans une trouble traversée du désir. L’actrice capricieuse à la beauté glacée n’est pas insensible à la jeunesse persévérante de cette fan enamourée, qui sait se rendre indispensable sur le plateau. La sensuelle Cristina se nourrit des sentiments et de l’admiration de Jeanne comme un vampire.

La réalisatrice Lucille Hadzihalilovic signe un cinéma élégant et sensoriel. Elle crée une atmosphère onirique, inquiétante et floconneuse. Bien équilibrée entre le merveilleux et la fantasmagorie, La Tour de glace se rapproche des films des années 1970-1980, avec des références aux productions horrifiques italiennes de Dario Argento (comme Phenomena) mais aussi des clins d’œil aux comédies musicales françaises telle Peau d’âne de Jacques Demy.

Scène après scène, la cinéaste bâtit un conte cruel fantastique et rétro, à mi-chemin entre Frozen  de Disney et Mulholland Drive de Lynch. Le film fonctionne comme une sorte d’allégorie. Par sa fascination persistante pour l’art du cinéma, l’héroïne se mue en une cinéphile qui restera toute sa vie prisonnière en haut de sa tour de pellicule, envoûtée à jamais par le scintillement des images surgies d’une salle de projection.

La note du Figaro : 3/4