Stade Français-Stade Toulousain : les coups de cœur et les coups de griffe de notre spécialiste rugby

COUPS DE CŒUR

La relève toulousaine n’en finit plus d’épater

«Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années.» La jeune garde toulousaine l’a prouvé dimanche soir. Alors que le Stade Toulousain n’avait plus gagné à Paris depuis 2019 (cinq revers de rang), l’équipe remaniée alignée par Ugo Mola, encadrée par les tauliers Peato Mauvaka et Juan-Cruz Mallia, a mis fin à cette série noire. «On sortait d’un gros match à Toulon (en quart de finale de la Champions Cup, NDLR). Il ne fallait pas décevoir les joueurs mis au repos qui nous regardaient à la télé», plante Léo Banos, le troisième-ligne de 22 ans, pas peu fier du résultat. «On n’avait rien à perdre. On s’est envoyé à fond. On n’a pas trop de stress. On joue notre rugby et on s’amuse…» L’entraîneur des avants, Virgile Lacombe, n’a pas manqué de saluer la performance de cette équipe fortement rajeunie. «Seuls Peato (Mauvaka) et Jaun-Cruiz (Mallia) étaient nés avant 2000», souligne l’ancien talonneur. «Les jeunes nous ont montré qu’ils avaient du caractère. Souvent, ils perdent en fin de match, là, ils ont tenu jusqu’au bout. Je suis très fier de ce groupe qui a eu la force mentale de venir chercher la victoire.»

Le technicien va même plus loin dans les éloges. «C’est un groupe en progression qui arrive à mieux construire son rugby, qui est moins brouillon. Ils peuvent prendre des initiatives, continuer à jouer et non se recroqueviller car ils ont moins d’expérience. Après, ça reste des joueurs qui font partie de notre équipe régulièrement. Qui ont la capacité à représenter l’institution, le club, en continuant à gagner des matchs.» Et à se faire remarquer. «Quel que soit le groupe, il n’y a pas une équipe plus faible ou plus forte. C’est une émulation permanente. Des joueurs ont marqué des points ce soir (dimanche) et vont nous poser des problèmes pour les prochaines compositions…» Léo Banos, auteur du premier essai de son équipe dimanche soir, confirme ces progrès. «Quand on est aligné ensemble, on s’envoie à 300%. On ramène souvent un ou plusieurs points. Et plus on avance dans la saison, plus on est précis sur les détails. Ça nous aide.»

Mallia, monsieur Plus

Dans une équipe toulousaine inexpérimentée, le couteau suisse argentin du Stade a montré la voie. Dans le jeu, dans l’exemple, dans son rôle de buteur. Juan Cruz Mallia a inscrit 17 points (5/6 au pied), dont l’essai qui fait basculer définitivement le Classique à la 63e minute (servi par un coup de pied rasant de son demi de mêlée japonais Saito, derrière une mêlée dans les 22 mètres parisiens). L’ouvreur a également réussi quelques coups d’éclat comme ce 50-22 qui inverse la pression à la 50e minute ou cette belle relance dix minutes plus tard. Capable d’évoluer à tous les postes du 10 au 15, Mallia est plus que jamais indispensable au Stade Toulousain dans sa quête d’un double doublé Top14-Champions Cup.

Le Puma, seul joueur à enchaîner comme titulaire par rapport au match à Toulon, ne tire pourtant pas la couverture à lui. «Je ne pense pas à faire les choses individuellement mais à jouer collectif. Par rapport aux jeunes, avec Peato, on est les plus vieux, donc il faut juste montrer un peu la voie. Mais tous ceux qui étaient alignés ont montré pourquoi ils jouaient au Stade Toulousain. Ces jeunes ont grandi à Toulouse, ils ont la culture de ce club.»

Macalou, un anniversaire tout fou

Le jour de son 30e anniversaire, Sekou Macalou débordait d’envie. Parfois un peu trop. Le troisième-ligne parisien s’est, sans relâche, évertué à remettre son équipe dans l’avancée. Avec plus ou moins de réussite cependant. Dans la colonne plus, 74 mètres gagnés ballon en main et trois défenseurs toulousains battus. Mais à force de vouloir tout faire tout seul, y compris jouer au pied (à quatre reprises), il s’est parfois fourvoyé. Il a également égaré quelques ballons en route par des fautes de main. Mais Macalou n’a jamais baissé les bras. Sa charge est décisive sur l’essai de Romain Briatte (32e). Quatre minutes plus tard, toujours en force, il pense marquer à son tour mais le jeune deuxième-ligne Clément Vergé, le meilleur Toulousain dimanche soir, l’empêche d’aplatir au dernier moment. Le Parisien formé à Massy a cependant persévéré, avec toujours du déchet dans ses initiatives, pour finalement être récompensé en inscrivant l’essai de l’espoir à la 77e minute (21-27). Malheureusement trop tardivement pour inverser le sort de la rencontre. La mine des mauvais jours, il a durement résumé l’échec des Soldats roses après le match : «On est passé à côté, on n’a pas joué à notre niveau.»

COUPS DE GRIFFE

Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé

Ce ‘’Classique’’ contre le Stade Toulousain revêtait une importance primordiale pour le Stade Français à six journées de la fin de la saison. Et Paris a concédé au plus mauvais moment sa troisième défaite à domicile (après Toulon et l’UBB). Les voilà au bord du précipice : 12e à égalité de points avec Perpignan, 13e. Devant, le Racing 92, avec 4 points de plus ; derrière, Vannes, dernier avec 6 points de moins. Avec cinq journées à disputer, dont deux déplacements chez ces concurrents directs pour le maintien, le voisin du Racing dimanche prochain pour un derby incandescent à Nanterre, puis chez les Catalans dans la foulée (le reste du programme n’a rien d’aisé non plus : réception de Lyon, déplacement à Clermont, réception de Castres…), c’est alerte rouge écarlate chez les Soldats roses. Le spectre d’un barrage de maintien/relégation chez un ambitieux de Pro D2 (Brive ?) se profile dangereusement.

«On est très affecté par cette défaite, avoue sans se faire prier Julien Tastet, l’entraîneur des avants parisiens. On avait envie de réussir un gros match pour se donner de l’air au classement et on est passé à côté. On ne récupère même pas le bonus défensif. Il y a beaucoup de frustration, de déception et de tristesse…» Et de revenir sur la physionomie de la rencontre. «Être mené 17-0 face au Stade Toulousain au bout d’un quart d’heure, c’est se tirer une balle dans le pied. On a fait preuve de caractère pour revenir à 3 points à la mi-temps. On pensait avoir fait le plus dur. Malheureusement, à partir de la 50e minute, on s’est retrouvé à subir tout le temps, à commettre beaucoup de fautes. Face à un tel adversaire, tu finis par craquer…»

Et maintenant ? «Il n’y a plus de question à se poser. On joue clairement un championnat à quatre équipes pour le maintien. On sait que ces matchs sous pression sont différents, on les aborde plus avec la peur de perdre que l’envie de gagner. À nous d’être prêts à ça pour ne pas aller jouer un barrage chez un club de Pro D2.» Ça commence dimanche prochain avec un derby de la peur dans le hangar du Racing 92. «Un match sous haute pression au vu de l’enjeu qui décuple la pression. Il faudra être beaucoup plus disciplinés que contre Toulouse (11 pénalités et un carton jaune, NDLR) car un gros combat nous attend là-bas…»

Barré a tout raté

Paris comptait sur les fulgurances de son arrière international dans cette rencontre à fort enjeu. Mais le jeune Parisien est passé à côté de son match. Il a manqué de présence sous les ballons hauts, s’est montré trop fébrile sur un coup de pied à suivre toulousain, se trouant pour l’essai le centre Paul Costes aller à l’essai. Ses relances ont manqué de tranchant (seulement... 8 mètres gagnés) et il a commis beaucoup d’approximations dans son jeu au pied. Une prestation ratée à vite oublier, le Stade Français a besoin de son leader d’attaque dans la cruciale dernière ligne droite.

Toulouse et Paris restent sur la touche

Quel festival d’erreurs en touche ! C’est d’abord le Stade Toulousain qui s’est illustré, en en égarant pas moins de cinq en première mi-temps, le talonneur des Bleus, Peato Mauvaka, ayant une large responsabilité avec ses lancers imprécis ou pas droits. Mais les Parisiens n’ont pas été en reste. En seconde période, ils ont perdu des lancers précieux, dont trois sur des pénaltouches dans les 22 mètres adverses. Au final, cinq ballons perdus également. Égalité dans la médiocrité.