Brest : six hommes jugés pour avoir préparé des actions djihadistes depuis une boucherie

Ce lundi 24 mars 2025 s’est ouvert à Paris le procès de six hommes, accusés d'avoir préparé des actions violentes inspirées de celles du groupe État islamique (EI) depuis une boucherie de Brest. Tous sont poursuivis pour participation à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes. Les accusés, en détention provisoire depuis plus de 5 ans, encourent une peine de 30 ans de réclusion criminelle sauf l’un d’entre eux, mineur au moment des faits. Ce dernier, en détention provisoire pour une autre affaire, risque 15 ans d’emprisonnement.

«Nous voulons l’accès intégral de ce qui s’est dit dans cette boucherie»

La cour d'assises des mineurs spéciale, présidée par Charles-Andor Fogarassy, n'a pas suivi les demandes de Me David Apelbaum, avocat de l'accusé mineur (aujourd'hui âgé de 21 ans) et celles du parquet qui avaient réclamé un huis clos. «Il est de l'intérêt de la société que les débats soient tenus publiquement», a tranché la cour. Cette dernière a en revanche laissé pendante une requête de la défense demandant «un supplément d'information» pour avoir accès à l'intégralité des sonorisations effectuées dans la boucherie par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). «Nous voulons l'accès intégral de ce qui s'est dit dans cette boucherie», a fait valoir Me Sami Khankan qui défend Mohamad D., un Palestinien de 39 ans né en Syrie, soupçonné d'avoir combattu dans les rangs de l’EI avant d'arriver en France, fin 2015 comme réfugié (un statut qu'il a perdu depuis).

Selon les avocats de la défense, les sonorisations versées au dossier et sur lesquelles repose toute l'accusation, sont «tronquées». Or, la sonorisation de la boucherie halal «Chez Wahid» a duré deux mois, ont-ils rappelé. «On n'était pas dans une situation «conspirative» avec rideaux fermés mais dans un commerce ouvert où les clients passent», a soutenu Me Khankan.

Alors que l'accusation assure que les six hommes mis en cause envisageaient des actions violentes visant notamment la base navale de Brest, les célébrations du Nouvel an chinois à Paris, une synagogue ou encore des matches de foot, les accusés ont affirmé au cours de leurs interrogatoires qu'il s'agissait de «paroles en l'air» ou de «bla-bla». La cour a annoncé qu'elle allait «prendre un peu de temps» avant de se prononcer sur la demande de supplément d'information et un éventuel renvoi du procès.

Un projet d’attaque de village la nuit

L'enquête a commencé en septembre 2019 avec une demande d'information concernant Mohamad D. alors résidant à Brest. Des «preuves de guerre» collectées par les troupes de la coalition internationale en zone irako-syrienne et transmises aux autorités françaises indiquaient que le réfugié syrien aurait été membre de l'EI. Interrogé à ce sujet lundi, Mohamad D. a lancé: «ce qui s'est passé en Syrie ne vous regarde pas». Aux enquêteurs, il avait d'abord indiqué que la fiche d'enrôlement retrouvée à son nom au sein de l'EI pouvait être une homonymie. Au fil des interrogatoires, il a reconnu avoir passé «une période d'essai» au sein de l'EI mais qu'il avait quitté l'organisation après «deux, trois mois». Il a assuré n'avoir jamais combattu ni suivi d'entraînement malgré des photos le représentant en tenue militaire et armé.

En se renseignant sur Mohamad D., les enquêteurs de la DGSI se sont rendu compte qu'il allait souvent à la boucherie «Chez Wahid». Cet établissement est tenu par Wahid B., 35 ans, un «fiché S», condamné pour apologie de terrorisme après avoir mimé un tir à l'arme automatique au passage d'une patrouille de police après les attentats du 13 novembre 2015. L’établissement est mis sur écoute à partir de novembre 2019, et la DGSI ne tarde pas à identifier des hommes qui s'y retrouvent régulièrement.

Dans les extraits des conversations versées dans le dossier d'accusation, il est question, sans jamais entrer dans les détails, d'attaquer un village isolé la nuit, ou encore de la meilleure façon de se procurer des armes. Le plus jeune des mis en cause évoque son désir d'aller en Syrie pour y rejoindre des groupes de combattants. Craignant un passage à l'acte, la DGSI a interpellé tout le groupe en janvier 2020. Le procès est prévu jusqu'au 11 avril.