Affaire Paul Pogba : les maîtres chanteurs du footballeur condamnés à de lourdes peines, son frère Mathias à 1 an ferme

Fin de partie pour les maîtres chanteurs. Ce jeudi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les cinq amis d’enfance de Paul Pogba a des peines allant de 2 à 8 ans de prison selon BFMTV et Ouest France, les reconnaissant coupables d’avoir séquestré le footballeur en vue de lui extorquer 13 millions d’euros, en mars 2022, puis d’avoir exercé chantage et pressions sur lui pendant plusieurs mois. 

Prévenu à part au milieu des autres, Mathias Pogba, le frère aîné du joueur, a quant à lui été condamné à 2 ans de prison avec sursis et 1 an ferme. Cette peine d’un an ferme sera aménagée sous bracelet électronique. Le tribunal a également condamné le frère de Paul Pogba à une amende de 20.000 euros pour avoir participé à la tentative d’extorsion en 2022 de 13 millions d’euros visant son frère et pour avoir exercé de nombreuses pressions sur l’international français, sa famille et ses relations professionnelles en vue d’obtenir ce paiement.

À l’époque, celui-ci avait participé aux pressions sous l’influence des amis de Paul Pogba, en se rendant à son centre d’entraînement de la Juventus pour le forcer à payer cette somme, et en publiant deux vidéos sur les réseaux sociaux. Après avoir, dans la première, promis de révéler des informations qui pourraient briser la carrière de son petit frère, il avait assuré, dans la seconde, que l’international avait payé un marabout pour jeter un sort à son coéquipier de l’équipe de France, Killian Mbappé

En janvier 2024, au cœur de l’instruction judiciaire, Mathias Pogba avait par la suite regretté son implication, et expliqué avoir été instrumentalisé par cette bande de la Renardière, la cité où tous ont grandi à Roissy-en-Brie, en Seine-et-Marne. Eux lui assuraient alors que deux braqueurs s’en prendraient à Paul Pogba et toute sa famille s’il ne leur donnait pas les 13 millions d’euros. «J’ai été la marionnette de tous. On m’a baladé de gauche à droite, on m’a menti depuis le début. Quel con», avait grondé Matthias Pogba, face au juge. 

Gangrenés par l’argent

Depuis des années, les prévenus vivaient aux crochets du joueur, qui continuait de revenir ponctuellement dans la cité de sa jeunesse, en marge de sa carrière internationale. Du 26 novembre au 5 décembre dernier, les débats à l’audience avaient permis de souligner leurs liens d’enfance gangrenés par l’argent. 

Mais, fin 2021, le footballeur, alors licencié au Manchester United, avait pris ses distances, fatigué de leur opportunisme, et du climat délétère qu’ils instauraient lors de ses passages à la Renardière. Jusqu’à cette soirée du 19 mars 2022. Les cinq amis conduisent alors Paul Pogba dans un appartement de Montévrain, à quelques kilomètres du quartier, où ils le retiennent la nuit entière. Là, deux braqueurs encagoulés et armés le menacent et ordonnent qu’il verse 13 millions d’euros. D’après eux, le joueur leur doit cette somme au motif qu’ils ont assuré sa sécurité à son insu, pendant dix ans. 

Ni les deux années d’instruction, ni les débats à l’audience, n’auront permis de comprendre la place exacte de ces braqueurs, et leurs relations avec le groupe de la Renardière. Chacun des prévenus affirme avoir été personnellement menacé par les deux hommes dans les mois qui ont suivi la séquestration de Paul Pogba. L’un d’eux, Roushdane K., qui comparaissait détenu, raconte notamment s’être fait tirer dessus dans la main, à bout portant, pour qu’il «mette la pression à Paul» qui ne payait pas. Mais aucun des cinq mis en cause n’a jamais livré d’indication précise sur ces hommes, laissant planer une hypothèse, ravivée par leur mutisme lors du procès : celle d’un groupe d’amis qui enrôle des malfaiteurs armés pour faire pression sur le footballeur, et le racketter. 

Razzia chez Adidas

L’attitude de certains, juste après la soirée du 19 mars 2022, avait notamment étonné le tribunal. Quelques jours après la séquestration du footballeur, celui-ci se présente au magasin Adidas des Champs-Élysées, avec lequel il a signé un contrat de sponsoring. Cette fois, il le met à disposition de deux de ses maîtres chanteurs qui l’accompagnent, Adama C. et Machikour K. Les comparses se livrent à une razzia dans le magasin, et repartent avec des centaines d’articles de sport, pour un montant total de... 57.000 euros. «Comment passe-t-on, en quelques jours, de “on vient de vivre un choc à “c’est illimité, allons y ?”», s’était enquéri la présidente du tribunal, sceptique, auprès d’Adama C.

De son côté, la défense s’est employée à présenter les prévenus comme des victimes collatérales de la séquestration du joueur. «J’ai l’impression qu’on est dans un Cluedo inversé», avait ironisé Me Karim Morand-Lahouazi, avocat d’Adama C. «Au lieu de demander à chacun de mettre dans l’enveloppe le nom du coupable, l’arme et le lieu, on nous a dit d’entrée de jeu : c’est le colonel Moutarde avec un chandelier dans la bibliothèque», avait-il poursuivi, dénonçant «une instruction à charge». «Tous les éléments disculpant les prévenus sont balayés», avait renchérit Me Steve Ruben, conseil de Mamadou M., avant d’accuser le parquet d’avoir «imaginé un scénario de film d’action».

Invités à prendre la parole, une dernière fois, avant que le tribunal ne se retire, chacun de ses amis avait eu une pensée pour Paul Pogba, le grand absent du procès. À la barre, l’un d’eux, Boubacar C., avait conclu par ces mots : «Paul sait qui il est pour moi, je le garderai toujours dans mon cœur.»