Un chalutier breton tombe nez à nez avec un sous-marin russe qui a fait surface au large des Côtes-d’Armor

L’équipage du Bélénos a assisté à une scène aussi rare que surprenante. Alors que le chalutier naviguait samedi dernier au large des Côtes d’Armor, un sous-marin russe a surgi de la surface des eaux pour faire surface à une distance bien visible des pêcheurs bretons. Selon Ouest France, qui rapporte cette information, le chalutier était parti en début de matinée du port de pêche de Roscoff, dans le nord du Finistère avant de se rapprocher des îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey dans la Manche, où cette inhabituelle rencontre a eu lieu.

«C’est un sous-marin qui était suivi depuis un moment, il était simplement en transit», a expliqué la préfecture maritime de l’Atlantique, basée à Brest, sollicitée par le quotidien régional. «Une frégate française l’a accompagné», a aussi ajouté la préfecture auprès de nos confrères. «Surveillance renforcée en Atlantique et au-delà», a publié sur X, après la publication de l’article d’Ouest France, l’armée française accompagnant son message de la photo d’une frégate européenne multimissions (FREMM) de la Marine nationale suivant ce qui semble être le sous-marin russe en question en arrière-plan.

Probabilité infime

«Les forces assurent un suivi continu des navires en transit, en coordination étroite avec les alliés de l’Otan», a aussi déclaré l’armée française sans préciser l’identité du sous-marin repéré. Les images délivrées par les matelots du navire de pêche Bélénos au journal Le Marin révèlent néanmoins qu’il s’agit d’un sous-marin d’attaque conventionnel diesel-électrique, de la classe Kilo.

Ces sous-marins diesel-électrique, réputés pour leur silence, en particulier les dernières versions, sont produits en grande quantité par la Russie - 12 mis en service depuis 2014, le dernier le 11 juin de cette année - et sont aussi exportés à plusieurs pays alliés de Moscou. La version améliorée des Kilo, le projet numéroté 636M, d’une longueur de 74 mètres, possède une autonomie de 45 jours et peut emporter avec lui des missiles de croisière Kalibr.

Si la probabilité pour qu’un navire de pêche assiste à la remontée en surface d’un sous-marin est infime, il est fréquent en revanche que des navires russes, corvettes ou sous-marins soient repérés dans cette zone de transit. La Russie possède des bases navales en Méditerranée, en mer Noire mais également sur ses côtes septentrionales, où la flotte du Nord stationne à Severomorsk et celle de la Baltique à Kaliningrad. Basés en mer Noire et en dans le Pacifique, les Kilo sont régulièrement observés dans la Manche car ils sont construits à Saint-Pétersbourg au chantier naval de l’Amirauté et leur entretien lourd est encore réalisé en mer Baltique.

Rencontres malheureuses

La guerre en Ukraine a incité la flotte russe à repositionner un certain nombre de ses bâtiments en fonction de ses nécessités stratégiques. La fermeture du détroit du Bosphore depuis le 24 février 2022 complique également la logistique et l’entretien des navires russes déployés en Méditerranée. La récente chute du régime de Bachar el-Assad a surtout conduit la marine russe à réévaluer la présence de certains de ses navires déployés sur la base navale de Tartous, où deux Kilo issus de la flotte de la mer Noire étaient en permanence stationnés depuis plus de 10 ans. Les mouvements de ses navires sont en tout cas surveillés très scrupuleusement par les armées alliées de l’Otan qui échangent continuellement les informations issues de leur veille. La Royal Navy a d’ailleurs annoncé fin juin avoir suivi plusieurs navires russes qui transitaient dans ses eaux. «Les navires de guerre russes naviguent de plus en plus souvent dans la Manche», a déclaré à cette occasion le ministre des Armées britannique Luke Pollard.

Un tel face-à-face en mer, unique, laissera en tout cas des souvenirs plus heureux aux marins du Bélénos que d’autres rencontres malheureuses, aussi rares soient-elles. En juillet 2016, l’équipage du chalutier Daytona avait échappé au naufrage avoir s’être fait «croché» par un sous-marin portugais dans la Manche. Le submersible «Tridente» s’était pris dans le filet du navire de pêche alors qu’il naviguait en plongée dans le cadre d’un entraînement avec la marine britannique, manquant tout juste de l’engloutir. Un tel accrochage peut entraîner, en quelques secondes, l’aspiration au fond des eaux d’un chalutier.

Dans l’affaire du Bugaled Breizh, navire de pêche breton qui a sombré en 37 secondes le 15 janvier 2004, avec ses cinq membres d’équipage en 37 secondes au large du Cap Lizard, l’hypothèse a d’ailleurs été longtemps étudiée. Un petit parti politique breton a d’ailleurs demandé en avril à Trump de déclassifier «l’ensemble des archives militaires», soupçonnant encore l’implication d’un sous-marin. Ce jour-là, deux exercices militaires avaient lieu au large de la Cornouailles : l’ASWEX04 de l’OTAN et le Thursday War britannique.