Jeanne Cherhal livre les différentes facettes de sa personnalité dans "Jeanne" : "J'étais hyper heureuse de faire cet album"
C'est avec Vincent Delerm que Jeanne Cherhal a donné ses premiers concerts en double affiche avant de rencontrer le public ce qui lui a permis d'aller encore un peu plus loin. Elle a obtenu, en 2005, une Victoire de la musique, dans la catégorie "Artiste révélation du public de l'année", grâce à son album Douze fois par an. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, avec de belles collaborations, comme Albin de la Simone, Les Françoises avec Camille, Emily Loizeau, Olivia Ruiz, Rosemary, La Grande Sophie, mais aussi avec Benjamin Biolay. Ensemble, ils ont interprété Brandt Rhapsodie sur son album Charade et il a réalisé Jeanne, son nouvel album.
franceinfo : Ce titre est très explicite, sans filtre et sans détour, il en dit long ?
Jeanne Cherhal : Ça a été une évidence de l'appeler Jeanne. Benjamin était assez enthousiaste sur ce titre-là, on ne s'est pas tellement posé la question. C'est un disque si personnel, ce sont treize facettes de ma petite personne. On tourne autour de soi quand on écrit, et ce disque n'y fait pas exception.
Vous semblez avoir trouvé cet équilibre que vous recherchez depuis très longtemps, entre cette envie de raconter des choses pour faire bouger les lignes et ce besoin de vous poser et de profiter ?
Déjà, j'étais hyper heureuse de faire ce disque, de faire les chansons, de l'enregistrer, et même de faire les photos. Tout s'est fait dans le jeu et dans la joie et j'ai la sensation d'être dans un bon équilibre. Peut-être ça s'écroulera plus tard, mais c'est vrai que c'est une sorte d'apaisement et de bonheur de faire les choses, ça, c'est vrai.
Benjamin Biolay a-t-il donc trouvé la clé pour vous pousser dans vos derniers retranchements ?
Il a mis la clé dans le contact, parce que c'est lui qui est à l'origine de ce disque. Dans le sens où il m'a vraiment stimulée pour refaire un album à un moment où je n'étais pas forcément dans les dispositions de refaire des chansons. Il m'a dit : "Ça fait quand même quelques années que tu n'as pas refait de disque, qu'est-ce que tu fous ? Tu fais un disque et je vais le réaliser". Benjamin, c'est ma muse aussi, c'est ma source d'inspiration. Le fait qu'il me fasse confiance sans entendre aucune chanson et qu'il ait envie de s'impliquer, ça m'a donné des ailes. Ça m'a vraiment allumé la mèche et pendant un an, je l'ai fourni en maquettes piano voix et il a sublimé tout ça.
Cet album possède quelque chose qui vous suit depuis le début, qui est un peu l'objectif que vous étiez fixé, celui de la liberté. Est-ce que la musique vous a permis d'être la femme libre que vous espériez être ?
Totalement. Enfin, je ne sais pas si je suis totalement libre, mais en tout cas, c'est dans ma pratique musicale que j'éprouve le mieux ma liberté dans les thèmes que j'ai envie d'aborder. Je ne me suis jamais entravée et notamment dans ce disque-là.
"J'arrive à un point dans ma vie où je suis entourée de gens que j'ai choisis."
Jeanne Cherhalà franceinfo
C'est hyper important en fait de s'autoriser peut-être à faire un petit ménage dans sa vie, à choisir. La vie est trop courte et c'est d'ailleurs un des titres de l'album. C'est une chanson dans laquelle je me suis permis de revenir à l'essentiel, on a peu de temps, donc autant être le mieux possible, autant s'entourer le mieux possible, autant prendre ses dispositions. C'est une chanson qui parle un peu d'un état mental qui n'est pas toujours au top, donc autant se prendre en main pour essayer d'aller le mieux possible.
Ce disque est aussi une libération, vous avez eu ce besoin de parler de ce qui vous dérange, de ce qui vous fait mal. Le cri des loups en est un très bel exemple. À la fin de la chanson, on entend une voix qui parle de Gérard Depardieu en disant : "C'est la grandeur de la France, il rend fière la France."
En utilisant cette phrase de notre président à la fin de la chanson, j'avais aussi envie d'exprimer le fait que les violences sexistes et sexuelles, ça devait être au cœur du premier quinquennat. On attend toujours. J'ai l'impression que sans le tissu associatif en France, le phénomène des violences sexistes et sexuelles passerait à la trappe. J'avais envie de terminer sur le prédateur en chef dans cette chanson. La phrase en elle-même, c'est : "Je suis un grand admirateur de Gérard Depardieu, il rend fière la France". C'était tellement l'inverse qu'on avait envie d'entendre, ça anéantissait le fait de parler.
"Une femme qui parle de ce qu'elle a subi, elle est marquée médiatiquement, et je trouve que c'est du sacrifice."
Jeanne Cherhalà franceinfo
C'est un courage que je n'aurais pas, de dénoncer nominativement, quelqu'un que j'ai croisé et qui m'a fait du mal. Je n'ai pas le courage de le faire, je le fais dans une chanson, anonymement.
La chanson Sahara raconte le sablier qui s'écoule. Vous assumez un tête-à-tête avec le temps justement. Le temps est-il devenu un allié ?
Oui, je crois. Un allié et peut-être une source d'émerveillement, de joie et de découverte. Je me dis très souvent que c'est ce qu'on a de plus précieux au monde.