Trafic et pillages, le patrimoine millénaire du Soudan souffre toujours plus de la guerre civile
Au cœur du Soudan ravagé par la guerre civile, les trésors archéologiques du pays sont devenus des victimes collatérales. Depuis le 15 avril 2023, une guerre civile entre l’armée régulière et une milice baptisée « Forces de soutien rapide (RSF) », dirigées par le général Hemetti, ravage le Soudan. Les combattants du RSF, soutenus aujourd’hui par les mercenaires russes du groupe Wagner, se sont emparés de sites historiques et de leurs collections, mettant en péril l’héritage culturel du pays.
Un reportage de Libération , publié vendredi 24 janvier, met en lumière la fragilité de ce patrimoine face au chaos ambiant.
Construites entre 290 avant J.-C. et l’an 350, les quinze pyramides de Méroé sont aujourd’hui désertées par les visiteurs. Symbole du passé glorieux des pharaons noirs, ce patrimoine mondial de l’Unesco est désormais menacé. Comme à Khartoum, la capitale, qui est déchirée par les combats, où le Musée national soudanais a été pris d’assaut par les RSF. Le lieu abritait des pièces majeures : stèles, statues et bijoux provenant des sites antiques du pays. L’armée soudanaise a regagné du terrain dans la ville ces derniers mois, mais le musée reste inaccessible, précise Célian Macé, envoyé spécial pour Libération, qui a consacré un reportage au sujet.
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Selon les témoignages recueillis, le Musée Khalifa House, situé à Omdourman en face de la tombe du chef religieux Muhammad Ahmad, a été occupé par les RSF et saccagé. Armes anciennes, pièces de monnaie, et même une tunique historique ont disparu. Les pillages ne s’arrêtent pas là. En juin 2023, les RSF ont filmé leur intrusion dans un laboratoire d’anthropologie contenant des momies. Plusieurs objets, dont un trône et des poupées funéraires, ont déjà été proposés à des receleurs au marché noir, parfois en direction de la Libye ou de l’Égypte.
Une lutte internationale pour préserver le patrimoine
Face à cette situation alarmante, l’Unesco a appelé, en septembre 2024, la communauté internationale à « faire tout son possible pour protéger le patrimoine soudanais ». Elle a depuis mis en place un comité pour traquer les œuvres volées et sensibiliser les pays voisins au trafic d’artéfacts. Des formations ont été lancées pour les douaniers et policiers des pays frontaliers afin d’enrayer la contrebande. Cependant, la mobilisation reste insuffisante. Comme le rappelle Libération, seules cinq pièces soudanaises sont aujourd’hui recensées dans la base d’Interpol, un chiffre dérisoire face à l’ampleur des pillages.
Le président français Emmanuel Macron a appelé en décembre 2024 les belligérants au Soudan à « déposer les armes » après un an et demi d’une guerre qui a ravagé le pays, estimant que la seule voie possible est celle «du cessez-le-feu, de la négociation». Mais la guerre civile continue de détruire et le patrimoine culturel soudanais reste l’une des dernières priorités dans ce conflit, pour tenter de préserver une mémoire collective.