VIDEO. "Pas acceptable", "incompréhensible", "frauduleux" : depuis l'assassinat du PDG d’une grande compagnie d’assurance, la colère monte contre le système de santé aux Etats-Unis
"On peut comprendre cette colère, avec ce que les gens traversent comme épreuves. Il y a de quoi devenir complètement fou. Bien sûr, je condamne le meurtre. Mais avoir des entreprises géantes comme celle-là, qui ne pensent qu’à faire de l’argent sur le dos des malades, ce n’est pas acceptable."
C'est une colère qui enfle depuis le 4 décembre 2024 : celle des Américains contre les méthodes des compagnies d'assurance. Elles sont exposées au grand jour depuis l'assassinat de Brian Thompson, le PDG de UnitedHealthcare, la plus grande assurance privée des États-Unis. Luigi Mangione, le tueur présumé, un jeune diplômé d'une grande université, est devenu le symbole de la lutte pour un système de santé plus égalitaire. Pour certains, il fait même figure de héros.
L'homme qui dit "comprendre cette colère" a failli perdre sa femme suite à une embolie pulmonaire. Alors qu'elle vient de rentrer chez eux après deux nuits aux urgences, son assurance (qui n'est autre que UnitedHealthcare) l’informe qu’elle ne remboursera pas ses soins. Motif : "Votre séjour à l’hôpital n’était pas nécessaire." La facture s'élève à 100 000 dollars. "Incompréhensible" pour le couple, abasourdi.
"Deny, Delay, Defend" : la stratégie des "3 D"
Atteinte d'un cancer du sein, la patiente est prise en charge, comme 40% des femmes dans le même cas à Austin (Texas), dans la clinique du Dr Elisabeth Potter, spécialiste de la reconstruction mammaire. C'est le seul des médecins qu'"Envoyé spécial" a contactés à avoir accepté d'accueillir ses caméras. Car si la parole se libère chez les patients, elle reste bridée chez les professionnels de santé, dont la plupart travaillent pour des groupes liés aux assurances. Le Dr Potter est l'un des derniers spécialistes indépendants de l’Etat du Texas.
Elisabeth Potter ne se contente pas de condamner les abus des géants de l’assurance qu'elle constate chaque jour. Elle emploie deux personnes pour aider ses patients à monter des dossiers médicaux afin de contraindre les assurances à rembourser les soins, mais c'est un combat difficile : "Ils envoient toujours les mêmes courriers, ils utilisent des détails techniques, des tournures de phrase compliquées, c’est obscène", s'indigne-t-elle. Aux refus de remboursement s’ajoutent des délais de réponse étirés au maximum. C'est le deuxième "D" de la trilogie "Deny, Delay, Defend" : refuser (les soins, de manière systématique), retarder (la réponse au client pour gagner du temps) et défendre (si le client décide d'attaquer en justice). Une stratégie élaborée pour les assureurs par le cabinet McKinsey.
Malgré la prise de conscience des Américains, "en train de réaliser que les compagnies d’assurance ont mis en place un système frauduleux" et qu'ils financent "un système qui n’est pas présent quand [ils ont] besoin de lui", le coût des couvertures santé continue inexorablement à grimper aux Etats-Unis. Aujourd'hui, 66% des faillites personnelles dans le pays sont causées par des dettes médicales.
Extrait de "Le vengeur d’une Amérique malade ?", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 15 mai 2025.
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