Exposition universelle 2025 : qui est José Lévy, le directeur de création du pavillon France ?

Elles regardent le visiteur de leur sourire sans âge. Elles se tiennent droites, sans bras, sans jambes, juchées sur la plinthe qui court d’un bout à l’autre d’une grande pièce claire faisant office de salon. Elles colonisent aussi la table ronde autour de laquelle nous prenons place. Étrange sensation d’être épiés, écoutés par les innombrables kokeshi qui peuplent de leur présence muette et vaguement inquiétante l’appartement parisien de José Lévy. « Elles sont apparues à l’époque d’Edo, dans le nord de l’île de Honshu. L’histoire prétend qu’elles étaient des substituts d’enfants disparus, censées réconforter les parents. Je ne suis pas fétichiste, mais ma passion pour elles m’est venue alors que j’étais, en 2010, invité en résidence d’artiste à la villa Kujoyama, à Kyoto. J’aime beaucoup celles datant des années 1920 à 1970 », explique José Lévy.

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Tout ou presque dans la vie du directeur de la création du pavillon France à l’Exposition universelle d’Osaka * est lié au Japon. L’enfance, en premier. Il faut imaginer un petit garçon vivant entre Paris et une grande maison sur les bords de Marne, entouré d’art et de sculptures japonaises. Des parents – un père pharmacien biologiste, une mère passionnée par la céramique et un grand-père maternel, Anatole, qui possédait une entreprise spécialisée dans les arts martiaux, boulevard Beaumarchais à Paris : « Il a importé au début des années 1960 une machine à tatamis en France et a été fournisseur des Jeux olympiques pendant plus de quarante ans. Gamin, j’y ai vendu des kimonos et des nunchakus pour me faire un peu d’argent de poche. Il collectionnait beaucoup d’art japonais, et du coup, être entouré de tentures, d’armures de samouraïs et de masques de Nô était quelque chose de familier pour moi. Ce que je trouvais exotique, c’étaient plutôt mes copains dont les parents avaient des vaches et des cochons. » 

Mais il faudra attendre qu’il devienne créateur de mode pour qu’il se rende une première fois au Japon. Car celui dont les talents se déplient aujourd’hui en origami (plasticien, directeur artistique, architecte, designer, photographe) a été, au soleil levant de sa carrière, le fondateur de la marque masculine José Lévy à Paris. « José Lévy à Paris et non José Lévy de Paris, ceci pour souligner la curiosité de quelqu’un qui monte à la capitale. À l’attitude des dandys, je préfère celle des enfants ! » Didier Grumbach, alors président de la Fédération française de la couture, l’invite à présenter ses créations au Japon. « Les Japonais ont été les premiers intéressés par mon travail. Quelque chose leur plaît dans mon mélange de rigueur et de fantaisie. »

En 2007, faute de soutien financier, il ferme sa marque, mais fera plusieurs missions pour Holland & Holland, Nina Ricci, Cacharel, Ungaro… « Je ne suis pas quelqu’un qui a la culture du regret », dit-il. D’autant qu’il a toujours effleuré les arts décoratifs grâce aux métiers de la mode, puis en multipliant les collaborations avec des éditeurs ou institutions culturelles : Hermès, Perrotin, Carpenters Workshop Gallery, Cristallerie Saint-Louis, Diptyque, Astier de Villatte, Manufacture de Sèvres, Monoprix, Serax ou Lelièvre, aussi bien que pour des musées : Petit Palais, Palais de Tokyo, et la Villa Kujoyama à Kyoto, dont il a été lauréat en 2011 et pour laquelle il crée Le Veilleur, une lampe de papier en forme de samouraï de sept mètres de haut, en 2014. « Je suis quelqu’un d’assez concret. Il n’y a que la réalité qui soit importante. Je suis beaucoup dans les ateliers, j’accompagne tous les stades de ce que je dessine, dans le moindre détail mais aussi la fabrication, le marketing, la communication. Il faut que les objets que j’imagine séduisent et soient utiles à la personne à laquelle ils s’adressent, sinon c’est juste un geste polluant de plus. »

Sa mission au pavillon France d’Osaka a été d’aménager tous les espaces publics et professionnels hors exposition permanente. Pour ce faire, José Lévy a conçu un hymne à l’amour de la France au Japon. Et comme pour la cérémonie du thé, l’artiste et designer a laissé infuser trois ingrédients : les arts décoratifs français, nippons, et la beauté de la nature des deux pays. Résultat, un takoyaki de respect pour le passé et de réaffirmation du présent, comme dans le grand salon protocolaire, au sol dallé de cabochons noirs typique des châteaux français, où se mêlent pièces historiques de Pierre Paulin, luminaires en albâtre d’Atelier Alain Ellouz, créations en laque et tatamis de José Lévy ou estampes originales de Paul Jacoulet… Parallèlement, il fêtera mi-avril la célébration de l’introduction des métiers d’art au sein du programme de résidences à la Villa Kujoyama, à Kyoto, avec laquelle il a si souvent collaboré. Un programme 100 % nippon qui ne l’empêchera pas de compléter sa collection de « formes habitées » pour son site Instagram, regroupées sous l’onglet poétique « Nez au sol ».

Des instantanés de modestes trophées de la vie de tous les jours, trouvés sous nos pieds : bouts de ficelle, feuilles, cailloux, etc., auxquels son regard prête une apparence, tout comme les épluchures de mandarine qui déroulent en volutes sous son couteau (japonais) des formes gracieuses toujours renouvelées. Un hobby qui répond au joli nom savant de paréidolie.

Quand il ne se ressource pas dans sa maison près de Fontainebleau, José Lévy imagine des costumes de scène pour son complice de longue date le metteur en scène Arthur Nauzyciel. Il s’adonne également au yoga ou à la Gaga Danse et s’occupe de ses neveux et nièces. Son animal fétiche ? L’hirondelle. On la retrouve partout, sur son site internet et jusque sur le mur de son salon : « Comme moi, elles vivent aussi bien à Paris qu’à la campagne et suggèrent le voyage, la modestie et la force. » Il aurait pu ajouter que l’azur est leur royaume, lui qui, alors qu’il créait ses propres collections, bannissait le noir au profit du seul bleu marine. Peut-être parce que le Japon célèbre depuis toujours le bleu (Ao) dont l’indigo, porté jadis par les samouraïs, comporte 48 nuances, portant toutes un nom différent ? Seules les kokeshi le savent… 

* Exposition universelle 2025 d’Osaka du 13 avril au 13 octobre 2025.