Pluies, sécheresse... Aurons-nous assez d’eau cet été ?
Cet hiver fut particulièrement pluvieux. Des perturbations régulières sont tombées sur l’Hexagone après plusieurs mois marqués par un temps très sec en 2023. Sur l'ensemble de la période hivernale, la France a «enregistré un excédent de pluie d'environ 12% en moyenne», précisait La Chaîne Météo* début mars. Ces précipitations exceptionnelles ont-elles pour autant eu des effets concrets sur les nappes phréatiques ? Et permettront-elles de subvenir aux besoins des Français en eau cet été ?
En février, «l'état des nappes est satisfaisant sur une grande partie du territoire, du fait d'un début de période de recharge arrosé», note le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans un bulletin consacré à la situation des nappes d’eau souterraine publié le 13 mars. Ce bilan, certes éloigné de la période estivale, révèle déjà de fortes disparités territoriales.
Un état globalement «plus favorable» que l’an passé
Dans le détail, 46% des points d’observation des nappes phréatiques sont au-dessus des moyennes mensuelles. Ces derniers se situent au Sud-Ouest, de la Bretagne à l'ouest du Massif central jusqu’aux Pyrénées-Atlantiques, et au Nord-Est, de l'Artois aux vallées alpines. 18% des relevés montrent des niveaux comparables, notamment «sur une bande centrale s'étendant de la Normandie à la Corse», note le BRGM. En revanche, 36% des points d'observation sont sous les normales mensuelles. Ces niveaux «bas à très bas» concernent le sud de l'Alsace, le couloir de la Saône, le sud du Massif central, le Languedoc et le Roussillon.
«Seules les nappes du Languedoc et du Roussillon conservent des niveaux plus bas qu'en février 2023», ajoute le bilan. «Ces situations disparates s'expliquent essentiellement par l'intensité de la recharge 2023-2024 et par la réactivité de la nappe aux pluies», est-il expliqué.
Des arrêtés de restriction déjà en vigueur
«La situation actuelle est encourageante comparée à février 2023 où 80% des niveaux étaient situés sous les normales. Mais une partie du territoire sera confrontée à un manque d'eau. Et il y aura des restrictions d'usage et sûrement des arrêtées de sécheresse», abonde Nathalie Davoisne, responsable des études et des relations extérieures du C.I.Eau, une association à but non lucratif créée par des professionnels qui assurent la gestion des services publics d'eau et d'assainissement en France.
C’est par exemple d’ores et déjà le cas dans l’Aude, où un arrêté préfectoral mettant en place des restrictions provisoires des usages de l’eau a été pris le 27 mars. Il en va de même pour l’Hérault, depuis le 1er février, et les Pyrénées-Orientales, où les deux dernières années ont été les plus sèches jamais enregistrées, depuis le 30 janvier.
Sols «extrêmement secs»
Car malgré les pluies, les sols sont restés «modérément secs» du Var au nord-est du Gard et localement sur le nord-ouest de la Corse, «très secs» de l'ouest des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse au centre du Gard et «extrêmement secs» sur l'est de la Haute-Corse ainsi que de l'est du Roussillon au delta du Rhône, révèle un bilan hydrologique publié par Météo France le 1er mars.
«Il ne faut pas confondre “climat” et “météo”, complète Nathalie Davoisne. Si cette dernière est clémente ces derniers temps, ça n’en reste pas moins qu’une photographie à un moment T. Car il y a des inquiétudes liées au réchauffement climatique qui a par exemple des conséquences sur l'évaporation naturelle de l'eau.» Le réchauffement climatique, «c'est entre 15 et 40 % de réserves d'eau disponibles en moins pour la France» dans les prochaines décennies, mettait en garde le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu en février 2023.
Des prochains cumuls pluviométriques cruciaux
Tout dépendra donc des futurs cumuls pluviométriques, conclut le BRGM. «S’ils sont importants, de fortes remontées de niveaux pourraient être enregistrées sur les nappes les plus réactives (socle, calcaires karstiques, alluvions). Dans le cas contraire, la recharge devrait se mettre en pause et les situations pourraient se dégrader plus ou moins rapidement», est-il précisé.
Dans les territoires les plus critiques, notamment le Roussillon, «il semble cependant très difficilement envisageable de reconstituer durablement les réserves des nappes et d'observer des niveaux au-dessus des normales d'ici le printemps 2024». Un prochain bulletin national sur la situation des nappes phréatiques sera publié mi-avril.
*La Chaîne météo est une propriété du groupe Figaro.