«On ne peut pas être indifférent au destin de 11 millions de Français» : Élisabeth Badinter «mal à l’aise» après la condamnation de Marine Le Pen
L’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité prononcée à l’encontre de la chef de file du Rassemblement national Marine Le Pen n’en finit pas de faire réagir. Ce jeudi 17 avril, dans une interview croisée avec la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet à l’occasion de la sortie du livre intitulé A ma place de cette dernière, la philosophe Elisabeth Badinter a déploré un traitement «particulier» réservé par la justice à Marine Le Pen.
Au milieu de questions sur la laïcité, l’État de droit et la liberté d’expression notamment, la femme de lettres, figure féministe et veuve de Robert Badinter, éminent garde des Sceaux du président socialiste François Mitterrand à qui la France doit l’abolition de la peine de mort, a répondu à la question «Si Marine Le Pen ne peut se présenter, qu’en pensez-vous ? ». «Je suis mal à l’aise. J’ai l’impression qu’on lui a réservé un traitement particulier. On ne peut pas être indifférent au destin de 11 millions de Français», a-t-elle affirmé.
Vision partagée par une partie de la droite et LFI
Une prise de position d’autant plus étonnante qu’Élisabeth Badinter ne s’est jamais montrée tendre avec les idées du Rassemblement national, tant s’en faut. Il y a moins d’un an, le 26 mai 2024, elle disait notamment sur le plateau de Benjamin Duhamel sur BFMTV : «Il faut se méfier du chat qui dort et qui nous endort. […] Je pense qu’on prend des risques en votant pour le Front National (sic), on prend des risques pour la démocratie». En interrogeant la décision du Tribunal de Paris, elle épouse la vision d’une partie de la droite, notamment Laurent Wauquiez, président du groupe La Droit républicaine à l’Assemblée nationale, mais aussi du chef de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, qui avait indiqué «refuser par principe que le recours soit impossible pour un justiciable quel qu’il soit». Opinion dont se sont distanciées des figures de gauche comme les députés Jérôme Guedj et François Ruffin ou la secrétaire national des Écologistes Marine Tondelier qui avait appelé à «respecter la justice».
De son côté, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui a répondu à la même question qu’Élisabeth Badinter, s’est montrée beaucoup plus nuancée. «La justice doit être la même pour tous et elle doit être respectée. Marine Le Pen est une justiciable comme tous les citoyens. Les juges appliquent les lois que le Parlement a successivement votées pour répondre au souhait des Français de pouvoir élire des responsables politiques intègres, irréprochables, exemplaires», a-t-elle argué, avant d’appeler à «laisser le processus suivre son cours» jusqu’à la décision en appel attendue pour l’été 2026.