Bernard-Henri Lévy visé par une enquête pour prise illégale d’intérêts sur le financement de ses films par Arte France
Entre 1997 et 2022, Bernard-Henri Lévy a bénéficié du soutien financier d’Arte France pour la production de ses films. Cette dernière a versé 250 000 euros pour Peshmerga, 200 000 euros pour Le Serment de Tobrouk et Princesse Europe, 172 560 euros pour Le Jour et la Nuit (selon les informations de Capital), 100 000 euros pour Pourquoi l’Ukraine et 90 000 euros pour Irak : la bataille de Mossoul. Arte France a aussi acquis les droits de diffusion de Bosna ! en 2004, pour un montant de 68 700 euros.
Sur la même période, celui qui est surnommé BHL a été à la tête du conseil de surveillance de la même chaîne – il a débuté en 1993 et a été reconduit en septembre 2024. Le conflit d’intérêts semble ainsi évident, alors que l’écrivain/réalisateur possède un poids d’envergure sur les décisions du média franco-allemand. Le parquet de Paris a finalement décidé d’ouvrir une enquête préliminaire pour des soupçons de prise illégale d’intérêts, dévoile Mediapart, dans une enquête publiée jeudi 13 février. « Les investigations ont été confiées à la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris », annonce le média d’investigation.
« Un montant cumulé de 750 000 euros »
L’alerte a été donnée par le fondateur du parti Révolution écologique pour le vivant (REV) et député affilié à la France insoumise (FI) Aymeric Caron, qui a saisi la procureure de Paris, Laure Beccuau, le 5 février dernier. Ce dernier a ainsi pointé le potentiel conflit d’intérêts dans un avis rédigé dans le cadre de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation – en lien avec le projet de loi de finances pour 2025.
Il y questionne « les conditions dans lesquelles, M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’Arte France en charge du “contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire”, a bénéficié à quatre reprises d’un soutien de la chaîne au financement de ses propres œuvres audiovisuelles et cinématographiques représentant, entre 2011 et 2022, un montant cumulé de 750 000 euros ». Et ce, alors que les longs-métrages produits par Bernard-Henri Lévy ne sont pas considérés comme des succès commerciaux (ni critiques). Le film Slava Ukraini (gloire à l’Ukraine, en français), diffusé en 2023, a par exemple cumulé 1 024 entrées, tandis que Princesse Europe (2020) n’a été vu que par 505 spectateurs en salle.
Questionné par Mediapart, Bernard-Henri Lévy a affirmé ne pas être au courant de l’ouverture de l’enquête du parquet. « S’il se confirme qu’une telle accusation a été portée, j’en poursuivrai l’auteur pour dénonciation calomnieuse », a-t-il rétorqué. De même pour le président d’Arte France, Bruno Patino, qui a indiqué « prendre connaissance de la décision du parquet de Paris de diligenter cette enquête ».
Une limite d’âge à 70 ans instaurée en 2019
« En acceptant de bénéficier, directement ou indirectement, d’un soutien financier d’Arte France alors même qu’il exerçait la fonction de président du conseil de surveillance de cette entreprise, M. Bernard-Henri Lévy a reçu ou conservé un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité », argumente de son côté Aymeric Caron, dans sa saisine.
Le rôle de BHL au sein d’Arte France questionne plus largement, alors qu’il occupe son siège sans discontinuité depuis 1993. Une longévité unique au sein de l’audiovisuel public, surtout que celle-ci a été rendue possible par la modification des statuts du conseil de surveillance. Une limite d’âge à 70 ans pour ses membres a ainsi été instaurée en 2019. Règle qui n’a jamais été prise en considération en ce qui concerne les candidatures de Bernard-Henri Lévy.
« Il a été décidé de ne l’appliquer qu’à compter du renouvellement suivant (en 2024), ce qui a opportunément permis à M. Bernard-Henri Lévy, alors âgé de 71 ans, de s’y soustraire, pointe Aymeric Caron dans son avis rédigé pour la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. En 2024, à l’occasion d’un toilettage plus général de ses statuts, Arte France a abrogé cette limite d’âge. » La chaîne franco-allemande s’est alors appuyée sur l’article L. 225-70 du Code de commerce, qui prévoit que deux tiers des membres du conseil de surveillance doivent être âgés de moins de 70 ans. De quoi permettre à Bernard-Henri Lévy d’être, encore une fois, reconduit dans ses fonctions.
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