«Ils nous ont mis une cible dans le dos»: après le sondage choc de l’Ifop sur l’islam, deux députés LFI visés par des plaintes

Un sondage qui a provoqué un véritable séisme médiatique. Le 18 novembre, l’Ifop publiait plusieurs chiffres sur le rapport des musulmans de France à l’Islam et à ses expressions politiques. Très commentée, cette publication relayée en exclusivité dans Le Figaro, a fait l’objet d’attaques violentes, à la fois contre l’institut, la revue commanditaire Écran de veille et ses journalistes. Plusieurs élus de la France insoumise (LFI) les ont notamment accusés d’islamophobie et ont mené des campagnes de dénigrement en ligne. Une semaine après, les secousses se font encore sentir : une série de plaintes a été déposée contre deux députés LFI d’une part, mais aussi par plusieurs organisations du culte musulman.

L’Ifop a annoncé porter plainte contre les députés LFI Paul Vannier (Val-d’Oise) et Bastien Lachaud (Seine-Saint-Denis). Le jour de la publication, avec plusieurs élus LFI, Paul Vannier avait affirmé que l’enquête a été truquée et commanditée par une puissance étrangère au service d’une opération d’influence. Sur X, il avait évoqué une «“enquête” bidon d’IFLOP» au service d’un «agenda islamophobe de l’extrême droite». «On interroge n’importe comment, n’importe qui, avec un échantillon ridicule et ensuite on laisse croire que toute cette bouillie décrit la société alors qu’ils ne font que la tordre pour construire un récit anxiogène qui flatte l’idéologie de l’extrême droite», avait renchéri Bastien Lachaud.

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«Des questions historiques»

«Je regrette ces accusations qui mettent en danger une partie de mon équipe», s’est étranglé lundi soir Frédéric Dabi sur le plateau de BFM TV, accusant les deux députés de leur avoir «mis une cible dans le dos». Selon le directeur général de l’Ifop, «80% des questions qui ont été posées dans cette enquête sont des questions historiques» de l’institut. Elles avaient été posées pour la première fois en 1989 sur demande du journal Le Monde. «Edwy Plenel (Fondateur de Mediapart, mais directeur de la rédaction du Monde à l’époque - NDLR) a sans doute validé le questionnaire», a souligné Frédéric Dabi. «L’Ifop s’était fondé sur le même échantillon pour publier une enquête sur la musulmanophobie à la demande de la grande mosquée de Paris», ajoute François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l’Ifop. «Ce travail avait été largement relayé par Le Média, réputé proche de LFI et par Libération.»

Avant l’Ifop, Nora Bussigny et Emmanuel Razavi, tous deux pigistes chez Écran de veille, ont également annoncé déposer plainte pour mise en danger de la vie d’autrui contre Paul Vannier. Sur X, le député LFI a mis nommément en cause les deux collègues, suscitant une pluie de messages haineux et de menaces de mort. Alors en Suisse, Nora Bussigny a été placée quelques jours sous protection policière. «On attend de voir si la protection permanente va être mise en place», souligne la journaliste. «Samuel Paty a été tué après des dénonciations calomnieuses en ligne. C’est exactement ce qu’ils sont en train de faire la LFI. De nous jeter en pâture à des cerveaux déséquilibrés capables de passer à l’acte», s’insurge Emmanuel Razavi.

Auditionnés en octobre par l’Assemblée nationale sur les influences islamistes en France, les deux journalistes avaient pointé du doigt des liens avérés entre des députés, parfois LFI, et des organisations islamistes. Emmanuel Razavi est également l’auteur d’une enquête récente sur l’influence en France du pouvoir islamiste iranien. «Nous proposons enquêtes documentées, des articles de fond ; eux fomentent des attaques personnelles sur la base de choses qui n’existent pas», poursuit Emmanuel Razavi.

La revue Écran de veille, commanditaire de l’étude, a elle aussi porté plainte contre Paul Vannier pour mise en danger de la vie d’autrui. Le député LFI a en effet assorti son premier message publié sur X d’une capture d’écran issue du site d’Écran de veille, où figurait l’adresse de la rédaction surlignée. Depuis le 20 novembre, les locaux d’Écran de veille ont été fermés et placés sous surveillance.

Plusieurs organisations musulmanes portent plainte

Sur le fond, la sphère insoumise accuse la revue, sur le fondement d’une enquête de Mediapart en 2023, d’être financé par les Émirats arabes unis. De fait, Écran de veille a entretenu un partenariat éditorial ponctuel, aujourd’hui dissous, avec une société britannique soupçonnée d’être un relais d’influence d’Abou Dabi, le CRP (Center for Research and Public Affairs). «C’était écrit en toute transparence dans l’ours de notre revue», souligne auprès du Figaro Atmane Tazaghart, directeur de la publication. «Nous avons mis fin à ce partenariat en 2023, mais on continue à nous faire ce procès !»

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Pour compléter la série, quatre conseils départementaux du culte musulman (CDCM) - du Loiret, de l’Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne – ont annoncé déposer plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris. Les CDCM sont l’échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l’islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021. Les plaignants estiment que ce sondage «viole le principe d’objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d’opinion», selon leurs avocats, Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz. Ces conseils avancent que le sondage se «fonde sur des questions orientées» et se «focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques».