La COP30 doit se tenir du 10 au 21 novembre 2025 à Belém au Brésil, au cœur de l’Amazonie. Elle marquera les dix ans de l’accord de Paris et mettra en avant la région dans la lutte contre le réchauffement climatique. Près de 50.000 personnes sont attendues dont 7000 membres de l’ONU. Mais derrière cette vitrine internationale, la situation de nombreux habitants de Belém se complique : des familles entières sont expulsées pour laisser place aux visiteurs du sommet.
Pour accueillir ce public, la ville a lancé 38 chantiers d’infrastructure, à hauteur de 7,3 milliards de Real brésiliens. Malgré cet effort financier considérable, la capacité hôtelière de Belém est insuffisante.
Passer la publicitéDes expulsions facilitées par la loi
C’est ce qu’a vécu Suelen Freitas, installée à Belém depuis 2020. Son propriétaire lui a ordonné de quitter son appartement sous 30 jours. Douze familles du bâtiment se sont vues recevoir la même décision. « C’était très douloureux », ajoute-t-elle au journal britannique le Guardian. Son propriétaire a décidé de transformer l’immeuble en locations temporaires, beaucoup plus rentables pendant la conférence.
Pour maître Barbara Sardinha, avocate aux barreaux de Paris et de Rio, la COP30 a révélé les fragilités du cadre juridique brésilien. «Un propriétaire ne peut pas expulser un locataire en cours de contrat simplement pour profiter de loyers plus élevés», rappelle-t-elle. Mais elle précise que la loi sur les baux urbains permet, pour les contrats de plus de 30 mois, de récupérer le logement à l’expiration du bail, avec un simple préavis de trente jours. «Cette règle, qui vise à protéger la propriété privée, fragilise les locataires dans un contexte de forte demande comme celui de la COP30. »
Dans le cadre des travaux de drainage du fleuve Tucunduba, intégrés au programme de la COP30, des familles installées depuis plus de trente ans ont été contraintes de quitter leur maison. «Le Secrétariat des travaux publics de l’État du Pará a proposé une indemnisation seulement cinq jours avant l’évacuation, pour des montants dérisoirement faibles», explique maître Sardinha. «Des habitations occupées par quatre générations ont ainsi été abandonnées, sans véritable solution de relogement», ajoute-t-elle.
L’avocate insiste aussi sur les expulsions illégales : «Une expulsion sans décision judiciaire est interdite». Dans les faits, souligne-t-elle, «beaucoup de familles modestes n’ont ni les moyens financiers ni les connaissances juridiques pour se défendre devant les tribunaux, ce qui accentue leur vulnérabilité».
Un décalage profond
Passer la publicitéCes situations illustrent un décalage profond entre le droit et la réalité. «Le Brésil reconnaît pourtant le logement comme un droit fondamental, inscrit dans sa Constitution de 1988», rappelle l’avocate. «Mais dans la pratique, le manque d’application des règles laisse les habitants très vulnérables face à des événements d’une telle ampleur.»
La crise du logement ne touche pas que les habitants de Belém. Elle pèse aussi sur l’organisation de la conférence. Le coût des hébergements est si élevé que plusieurs délégations envisagent de réduire leur nombre de représentants. Selon un rapport relayé par la presse brésilienne, près de 250 ONG du Sud affirment que 80 % de leurs membres n’ont toujours pas trouvé d’endroit où se loger.
Pour les autorités locales, la COP30 reste une occasion unique de mettre l’Amazonie au centre des négociations climatiques. Mais pour les familles expulsées, l’événement a un goût amer. Leur quotidien est bouleversé, leurs droits fragilisés, leurs attaches rompues, au profit de visiteurs de passage.