Le Café Julien, de Dawn Powell: un dernier verre
Par Éric Neuhoff
L'endroit n'existe plus. C'est dommage. On aurait bien commandé un Picon-bière au Café Julien. Pour cela, il aurait suffi de vivre dans les années 1940, de se rendre du côté de Washington Square, de pousser la porte de cette brasserie et de s'asseoir à la table que vous aurait désignée le maître d'hôtel. Les clients sont tous des habitués. « Ils viennent parce qu'ils y sont toujours venus », constate, philosophe, un serveur. Un journaliste attend une femme qui n'arrive jamais. « Ellenora exerçait la fascination sensuelle d'un parfum léger subsistant dans la pièce longtemps après le départ de la visiteuse inconnue. » Des peintres fauchés cherchent des galeristes. « Qu'avez-vous fait de vos 50 ans ? - J'ai échoué en amour et en art, mais je me suis laissé pousser la barbe. »
Il y a des mannequins, des héritières, des collectionneurs. Le whisky coule à flots. Qui va régler la note? Le détail est sans importance. On donne bien une soirée quelque part. Vous…