Notre critique de Six jours, ce printemps-là : pas de suspense et aucune âme, Joachim Lafosse peine à toucher

Notre critique de Six jours, ce printemps-là : pas de suspense et aucune âme, Joachim Lafosse peine à toucher

Eye Haïdara et Damien Bonnard dans Six jours, ce printemps-là de Joachim Lafosse Les Films du Losange

CRITIQUE - Le réalisateur, qui nous avait éblouis avec L’Économie du couple, semble être retourné en classe de CM1 avec ce film maladroit.

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À vingt-quatre heures près, c’est bête. Cinq jours, ce printemps-là était le titre d’un excellent film de Fred Zinnemann. Celui de Joachim Lafosse est moins bon. Les Alpes suisses des années 1930 constituaient sans doute un décor plus favorable que notre brave pays aujourd’hui. La neige y était pour beaucoup. Changement de programme. Ils devaient passer leurs vacances à Lyon ; Sana et ses enfants iront sur la Côte d’Azur. Cette divorcée décide de s’installer en cachette dans la villa de ses ex-beaux-parents. La garde alternée mène à de telles extrémités.

Ses deux fils se frottent les mains. La colline de Fourvière ne peut guère lutter contre les rivages de Gassin. Il ne faut surtout rien dire à leur père. Un détail ne compte pas pour rien : le nouveau petit ami de la dame accompagne le trio. Cela ajoute un brin de mystère. Les deux frères ne devinent pas tout de suite que leur ancien entraîneur de football s’est pourvu d’un autre dossard. La clandestinité impose ses contraintes. Les rideaux sont tirés. On s’éclaire à la bougie. Le côté survie en milieu hostile, cet aspect Manuel des Castor Juniors ne sont pas à négliger. Chut, ne parlez pas trop fort. Les portables sont confisqués. Dehors, le soleil brille.

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Les bons vieux loisirs d’antan

À l’intérieur, la pénombre règne. Zut, l’eau de la piscine a tourné. Les gamins vont se baigner en douce chez le voisin qui n’est pas là. Ils auraient peut-être été inspirés de ne pas forcer la barrière. Le gardien, patibulaire et menaçant (Damien Bonnard) exerce un chantage, promet le silence contre 500 euros. Une amie passe à l’improviste, propose d’apporter de la crème de marrons. Non merci. Emmanuelle Devos ne voit pas qu’elle dérange. Squatteurs dans cette maison qui a été la leur, ils rasent les murs, courbent l’échine, se munissent de lampes de poche, n’osent pas toucher à la Mini-Moke qui repose dans le garage, s’agitent dans une atmosphère de couvre-feu. Leur mère leur interdit de se rendre au Club 55 où ils avaient leurs habitudes.

Par chance, en cette saison, la foule n’est pas encore arrivée. Les après-midi se passent sur des plages à l’écart, sans matelas ni transats. Restent les bons vieux loisirs d’antan, la pêche au poulpe, les parties de pétanque. La parenthèse durera une semaine. La vaillante Eye Haïdara affrontera la police. Cette tranche de vie se regarde sans ennui véritable, sans passion non plus. On dirait que Joachim Lafosse, dont on n’a pas oublié le très réussi L’Économie du couple, est retourné en classe de CM1. Sujet de la rédaction : « Racontez un souvenir de jeunesse qui vous a marqué. » La copie est propre. La tension manque. Le suspense est absent. Il aurait fallu un peu d’âme. Voilà un gros mot. En élève sincère et maladroit, le réalisateur n’a pas su l’employer. Apparemment, cet épisode est trop proche de lui, comme s’il avait eu peur de s’y brûler les doigts - ou la mémoire. Dommage. Tout ça, répétons-le, pour un jour de plus.