REPORTAGE. "Nous ne pouvons pas tout abandonner comme ça" : dans le Donbass, ces Ukrainiens refusent d'évacuer malgré les appels des autorités

De nouvelles frappes russes impliquant des centaines de drones ont fait deux morts, dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 juin, à Odessa et plusieurs blessés à Kiev. Le président Volodymyr Zelensky appelle à une "action concrète" de ses alliés occidentaux face à Moscou. Certains Ukrainiens sont tentés de fuir les combats, mais pour aller où ? Les habitants des villages du Donbass s'interrogent alors que l'armée russe poursuit sa progression et grignote toujours plus de terrain. La ligne de front se rapproche dans la région de Kostiantynivka mais ces civils à qui l'on ordonne d'évacuer n'arrivent pas à partir.

À Oleksiyevo-Droujkivka, les policiers et les équipes de secours passent dans les maisons, depuis plusieurs jours, pour dire qu'il faut évacuer. Mais Natalya qui tient l'épicerie du village reste avec son mari. Elle a envoyé sa fille de 9 ans, avec sa grand-mère, à Kiev, à l'abri. Pour l'heure, dit-elle, seule une frappe tout près de chez elle pourrait la faire fuir : "Nos valises sont prêtes mais nous ne pouvons pas tout abandonner comme ça : l'épicerie, le chien, les deux chats…"

"Tout fait peur : partir vers l'inconnu ou rester ici où rien n'est jamais calme"

Natalya propose sur son comptoir de gros radis récoltés dans le jardin juste derrière. Pour le reste, étonnamment, pas de problèmes de ravitaillement. "Nous sommes livrés presque tous les jours sauf le dimanche", dit la trentenaire. Six kilomètres plus au sud, la ville de Kostiantynivka – qui comptait 15 000 habitants avant la guerre – est bombardée quotidiennement. "On espère encore que les Russes ne viendront pas jusque-là", commente Natalya.

"Bien sûr, on sent que le front se rapproche. On entend désormais les frappes plus fort et plus souvent."

Natalya

à franceinfo

Victoria, qui travaille à l'usine, vient acheter des varenykys, des raviolis aux pommes de terre et champignons. Elle s'en réjouit d'avance. Son fils Igor, 16 ans, l'accompagne. Il est comme seul au monde dans ce village : "Mes amis sont tous partis. Je suis les cours en ligne. C'est assez angoissant à vivre mais c'est comme ça."

"Bien sûr qu'on va finir par partir, dit Victoria, la maman. Mais cela coûte cher ! Rien que de se reloger… On n'a pas de solution. Tout fait peur : partir vers l'inconnu ou rester ici où rien n'est jamais calme. Mais ici, j'ai mon travail, ma maison… Donc comme un sentiment de sécurité." Elle réfléchit un moment, avant de trancher, avec un sourire triste : "Je crois que le plus effrayant, c'est de tout quitter, sans savoir où aller."