Paris : deux policiers placés sous contrôle judiciaire pour avoir frappé un homme en garde à vue

Deux policiers ont été placés sous contrôle judiciaire le 9 août dernier à Paris pour avoir agressé un individu qui se trouvait en garde à vue, a appris Le Figaro auprès du parquet de Paris, confirmant des informations de Libération . Les deux hommes ont été placés en garde à vue deux jours avant et sont convoqués devant la justice le 29 octobre prochain. La victime, un homme âgé de 42 ans et de nationalité péruvienne, avait été interpellée pour outrage à un gendarme et était alcoolisée au moment des faits, nous indique une source proche du dossier. 

Les deux agents, Maxime D. âgé de 25 ans et Matthieu D. âgé de 32 ans ont interdiction de quitter le territoire, d'entrer en contact avec certains de leurs collègues, d'exercer toute fonction publique et de détenir ou porter une arme, détaille le paquet de Paris. Les deux hommes ont également l’obligation de suivre des soins psychologiques.

«Mon client souffre physiquement et psychologiquement», confient Me Juliette Chapelle et Me Julie Fragonas, les deux avocates de la victime. «Aucun des policiers sur place n'a dit que la victime avait été insultante. Quand bien même il l’aurait été, ça ne justifie pas les coups», soutiennent les deux avocates qui relèvent également la passivité des autres agents présents dans le commissariat au moment des faits. «À côté certains rigolent… quand il y en a un qui frappe, les autres n'interviennent même pas», relatent Me Chapelle et Me Fragonas.

«Maxime est un jeune policier»

C'est par une vidéo publiée par nos confrères que l'affaire débute. L’on y voit les deux policiers s'en prendre violemment à la victime, Oskar F., au commissariat. Une agression qui se déroule en trois temps et qui a été filmée dans son intégralité, assure le parquet. Le 25 juillet vers 23h30, «une claque injustifiée» est visible sur la vidéo alors que l'agent demandait au gardé à vue de lui remettre ses effets personnels, indique le parquet.

D'après les informations de Me May Sarah Vogelhut, l'avocate de Maxime D., ce dernier aurait demandé à Oskar F. de retirer sa chaîne. «Pas ma chaîne !», aurait-il rétorqué à plusieurs reprises. Le policier s’est alors montré violent afin de récupérer le bijou. «Il faut voir le contexte global», soutient l'avocate. «Nous sommes à deux jours de la cérémonie d'ouverture. Le commissariat devait accueillir de nombreux effectifs venant du reste de la France et du monde. Maxime est un jeune policier, il faisait les services de nuit depuis huit mois. Ce n'est pas forcément évident», défend la pénaliste.

Dans un deuxième temps, dans le local de fouille en présence de deux autres policiers, la victime a reçu plusieurs claques et «six ou sept coups de matraque télescopique entraînant une fracture de l'ulna, un os de l'avant-bras situé sur la partie intérieure» alors qu’il se protégeait la tête avec ses bras, précise encore le parquet. Pour finir, Oskar F. a reçu un coup de clé «totalement gratuit» à l'arcade sourcilière. 

Jugé pour une autre affaire datant de 2022

«On a les images chocs certes, mais pas le son», rappelle l'avocate dans sa défense qui précise que le gardé à vue aurait craché de multiples provocations et un «flot d'insultes permanent», déclare Me Vogelhut. «Pendant la garde à vue, mon client s'est senti menacé. Il était dans les cadets de la République. Il a voulu être policier toute sa vie. S'il se prend une interdiction définitive, il ne sait pas ce qu'il va faire», relate l'avocate.

Après les faits et après avoir échangé avec ses collègues présents dans le commissariat, Maxime D. a lui-même porté plainte contre le gardé à vue pour «des faits de violences volontaires sur sa personne», relate encore le parquet de Paris. En conséquence, le jeune homme est aussi poursuivi pour dénonciation calomnieuse, «pour avoir, dans la nuit du 24 au 25 juillet 2024, […] dénoncé à un officier de police judiciaire, [...] un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires, en l'espèce des violences volontaires commises sur sa personne par Oskar F.» après s'être mis d'accord avec les agents sur «une version des faits mensongère, en sachant que ce fait est totalement ou partiellement inexact», détaille le parquet.

Le policier n'en est pas à son premier rendez-vous avec la justice. Le 29 octobre, jour de son procès, Maxime D. sera jugé pour une autre affaire. Le 30 juin 2022, le jeune homme est soupçonné d'avoir fait usage de gaz lacrymogène «de façon totalement inappropriée» à l'égard d'une femme, et ce, à cinq reprises en plein visage alors qu'il lui était demandé de la raccompagner suite à un refus de prise de plainte. Me Vogelhut affirme que cette affaire avait été classée sans suite, mais elle fait finalement l’objet d’un regroupement de procédure.

Coups de poing et coups de pied

Il est reproché au second policier, Matthieu D., d'avoir «exercé des violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours», rapporte encore le parquet de Paris. Vers minuit, la victime se trouvait sur une chaise, démenottée. Oskar F. attendait d'être conduit à l'hôpital pour être examiné suite aux premiers faits - il avait écrit avec son sang «à l'aide» en espagnol sur le mur de sa cellule -, précise encore le parquet. 

Le policier, agacé par les propos tenus par le gardé à vue, a alors giflé la victime à plusieurs reprises et lui a assené des «coups de poing violents à la tête.» Il lui a également porté des coups de pied dans le bas du corps, «environ une douzaine de coups», détaille le parquet qui ajoute que Oskar F. était à ce moment-là assis sur une chaise, immobile. «Il regrette profondément son comportement», réagit de son côté son avocat, Me Jérôme Andrei. Le pénaliste assure que son client ne minimise pas les faits et qu’il a conscience qu’il s’agit d’un acte «très grave».

«Il y a un ensemble de facteurs professionnels et personnels…ça a été la goutte de trop», poursuit l’avocat en ajoutant que le policier a lui-même été «surpris» en voyant les images. «Il ne pensait pas que ça avait duré si longtemps», explique Me Andrei. Pour lui, Matthieu D. n’avait aucune connaissance de ce qu'il s'était passé trente minutes avant avec son collègue. «Il ne savait même qu'il avait le bras cassé», soutient l’avocat en précisant que l’agent a entamé un suivi psychologique «pour essayer de comprendre les raisons de sa réaction et prendre du recul par rapport à tout ça.» 

Au moment des investigations sur cette agression, d'autres policiers «ayant pu» assister aux faits ont été entendus. L'enquête menée sur leur éventuelle responsabilité pénale «n'était pas clôturée au moment du déferrement», précise le parquet.