«J’ai entendu un gros boum» : du bord de mer aux vallées, le risque d’éboulements permanent sur les routes des Alpes-Maritimes

Le souvenir est encore vif pour François. «Je roulais tranquillement et tout d’un coup, j’ai pris une pluie de cailloux suivis de grosses roches», raconte-t-il au Figaro. Cet Azuréen, presque miraculé, circulait sur la route de la «basse corniche» entre Èze et Cap-d’Ail (Alpes-Maritimes) en cette matinée du 17 octobre. Après cet éboulement soudain, il conçoit qu’il aurait pu «ne plus être là pour [n]ous répondre». Sa voiture, elle, est «foutue» : le pare-brise s’est étoilé, l’aile s’est enfoncée et les pneus ont éclaté par la violence des impacts. «La falaise m’est tombée dessus», répète-t-il.

Un mois plus tôt, une autre pierre s’est décrochée à Roquebrune-Cap-Martin pour venir fracasser le haut d’un capot. La photo de l’état du véhicule, partagée sur les réseaux sociaux, a suscité l’émoi. «J’ai entendu un gros boum», se souvient Iliam, habitué à emprunter cette route mais encore sous le choc. «Et si la pierre avait traversé le toit panoramique ? J’ai eu de la chance, jamais je n’aurais pu imaginer qu’une telle chose se produise. Maintenant, quand je passe par là, je ne suis pas tranquille, je regarde au-dessus», poursuit le Roquebrunois.

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Élu à Menton et à la communauté d’agglomération de la Riviera française (Carf), Anthony Malvault a récupéré cette photo et a dénoncé sur son compte les conséquences d’une bétonnisation à outrance. «Ce n’est pas un hasard», pense-t-il. «À Roquebrune, il suffit de lever les yeux, il y a des grues partout», constate l’élu local, qui en appelle à «construire intelligemment». «Dès qu’il pleut, il y a des pierres partout», ajoute-t-il, rappelant que «le sujet n’est pas nouveau».

«Contre la nature»

Du bord de mer aux vallées, entre falaises et bleu azur, les éboulements menacent les nombreuses routes métropolitaines et départementales des Alpes-Maritimes. «On se bat quand même contre la nature. Il faut s’approprier ce risque et être de plus en plus opérationnel», explique Michel Turco, le «Monsieur route» de la métropole Nice-Côte d’Azur. Le directeur général adjoint en convient, les décrochements de roches sont «de plus en plus fréquents» ces dernières années avec des phénomènes pluvieux plus intenses et des variations de températures plus importantes.

Cinq hameaux nichés entre les vallées de la Vésubie et de la Tinée composent la commune d’Utelle, qui doit souvent faire face à des éboulements qui pourrissent la vie des habitants, contraints à effectuer des détours. L’un des accès est resté bloqué pendant six mois, rappelle le maire Yves Gilli. «Mais la semaine dernière encore, un rocher de 10 tonnes est tombé à 20 mètres d’une route. À chaque fois qu’il y a un phénomène météo, on fait face à ce genre de situation», soupire l’élu.

Un logiciel cartographie les 2500 kilomètres de routes métropolitaines et toutes les zones à risques sont identifiées, précise Marc Turco. Outre des filets, des protections dites «dynamiques», qui fonctionnent comme des airbags, peuvent dévier les grosses pierres et sont installées sur 565 zones.

«Soudé et uni»

La route de la «basse corniche» à Èze, entre falaise et bord de mer (photo d’illustration). Alamy Stock Photo

Mais lorsque cela ne suffit pas et que des roches finissent sur le bitume, tout un procédé se met en place, comme récemment à La Courbaisse au bord de la Tinée, où un éboulement important a contraint les services techniques à aménager une autre chaussée le temps de purger et sécuriser la falaise. Car après une reconnaissance immédiate du terrain et l’intervention d’un géologue, une décision de rouvrir ou non la voie est prise, ce qui pour des raisons de sécurité, n’est pas toujours le cas.

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Derrière ces décisions, il y a des conséquences pour tout un village. «Les habitants sont excédés par ces événements», en convient le maire Yves Gilli. Les deux restaurateurs des environs voient leurs réservations annuler dès lors qu’un éboulement survient, «car le détour d’une heure, les clients ne veulent pas le faire», explique l’élu, désolé pour ces professionnels. Cela a parfois pu menacer l’accès aux stations de ski, qui ne peuvent pourtant plus se permettre de perdre des clients face à un enneigement de plus en plus capricieux. «Les élus des montagnes ne sont pas ceux qui se plaignent le plus, ils connaissent le contexte», explique Michel Turco.

«On ne peut pas baisser les bras, il faut faire preuve de résilience, être soudés et unis, même si cela arrive de plus en plus souvent ces dix dernières années», martèle l’édile Yves Gilli. Même si la pierre de 10 tonnes tombée récemment dans son hameau natal de Saint-Jean la Rivière l’a surpris : «Je n’avais jamais vu ça».