«Mais que l’on fiche la paix aux retraités !» : le patron de Force ouvrière critique les pistes du gouvernement pour économiser 40 milliards d’euros

«C’est de la communication, rien de plus.» L’avis du patron de Force ouvrière (FO) sur l’objectif budgétaire du gouvernement pourrait bien tempérer les adeptes de la tronçonneuse. «C’est complètement irréaliste d’imaginer faire 40 milliards d’euros d’économies l’an prochain», a ainsi déclaré Frédéric Souillot à nos confrères de La Tribune Dimanche, dans une interview publiée ce 1er juin. Si, pour l’heure, toutes les mesures sont sur la table, elles seront détaillées dans quelques semaines, a promis le ministre de l’Économie mardi 27 mai. Ce dernier doit présenter un plan d’économies le 14 juillet prochain.

Un plan qui promet d’être décapant, et dont le fond inquiète FO. «Cela va se traduire par des déremboursements de médicaments, l’ajout de jours de carence, la suppression d’abattements fiscaux comme les 10 % pour les retraités. Mais que l’on fiche la paix aux retraités !», s’agace-t-il dans les colonnes de l’hebdomadaire.

Inquiétude des syndicats

Mais ces 40 milliards d’économies ne sortent pas du chapeau. Lors de la «conférence nationale sur les finances publiques» qui s’est tenue le mardi 15 avril, le Premier ministre réitérait son engagement à faire repasser le déficit public sous la barre des 3 % en 2029. Il a atteint 5,8 % du PIB en 2024, et le gouvernement vise 5,3 % du PIB en 2025. «Contrairement à ce que l’on a beaucoup entendu dire, ce chiffre des 3 % n’est pas un chiffre au doigt mouillé», avait alors insisté François Bayrou : «c’est le seuil en deçà duquel la dette n’augmente plus.»

Celle-ci atteignait plus de 3300 milliards en 2024, soit 113 % du PIB, et certains économistes alertent déjà sur l’explosion à venir des intérêts que l’Hexagone doit à ses créanciers. Toujours est-il que les mesures évoquées par le gouvernement polarisent le débat public. C’est le cas de la TVA sociale, par exemple. «C’est le prélèvement le plus injuste qui existe ! On ne te demande pas ton bulletin de salaire quand tu passes à la caisse», s’indigne le patron de FO. Et puis, «une TVA à quel niveau ?», questionne-t-il.

Cette mesure, qui vise à diversifier les revenus de la Sécurité sociale en faisant davantage reposer le modèle d’État-providence sur les consommateurs et moins sur les entreprises, est réclamée de longue date par le Medef. «Mais la France a-t-elle besoin de ça ? À l’occasion de Choose France, le président de la République a lui-même assuré que notre pays était plus attractif que ses voisins. Ce n’est donc pas le coût du travail qui pèse», déduit Frédéric Souillot.

«Les costumes croisés vont débarquer»

Pour faire des économies, deux visions s’affrontent. Le syndicaliste attend «que le gouvernement s’intéresse aux aides publiques et aux niches fiscales, qui représentent plus de 200 milliards d’euros par an». Il évoque ensuite les allègements généraux sur les cotisations sociales, qui, selon lui, «pèsent à eux seuls près de 80 milliards d’euros». Un chiffre qui fait écho aux 80 milliards d’euros «engloutis» annuellement dans les agences de l’État, que Bruno Retailleau juge «dispendieux, lourd, inefficace», apprend-on également dans les pages du Journal du dimanche du 1er juin.

Quoi qu’il arrive, si les mesures présentées à Matignon d’ici quelques semaines ne convainquent pas, «les costumes croisés (les contrôleurs du FMI, NDLR) vont débarquer », met en garde un proche du Premier ministre dont les propos sont rapportés par le JDD. Dans un rapport publié le 23 mai dernier, l’institution financière internationale demandait à Paris des mesures «décisives» pour redresser les comptes publics. «Souvenez-vous de la Grèce qui expliquait qu’elle ne pouvait pas faire plus d’efforts sur les retraites ou ses aides sociales, le FMI les a faits pour elle...», poursuit une autre source ministérielle.

«Nous n’en sommes pas encore à voir notre politique économique dictée par des instances internationales», tempérait l’économiste Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, dans une interview au Figaro fin mai. Ce dernier n’hésitait cependant pas à convoquer l’exemple d’Athènes pour réveiller les consciences : «Il est certain que chaque camp politique aura ses réticences sur les mesures à prendre, mais il vaut mieux résoudre ce problème démocratiquement, plutôt que de subir une crise à la grecque.»