À Angers, le mystère du Saint Maurice retrouvé lors d’un vide-maison a enfin été éclairci

La survie du patrimoine dépend parfois de la générosité des hommes. À Angers, deux statues en plâtre représentant le saint patron de la ville, Maurice, et l'un de ses compagnons, Soluteur, ont pris place dans la cathédrale. Retrouvées il y a plus d’un an par un brocanteur, les statues ont fait l’objet d’une enquête minutieuse de la direction régionale des affaires culturelles pour en déterminer l’origine. 

En 2023, Nicolas Brault, responsable d’un dépôt-vente, est appelé par un particulier qui souhaite vider sa maison. Sur place, il découvre deux statues de 2,60 mètres de hauteur. Leur propriétaire n’avait pas idée de leur origine. Il en aurait hérité par son père. Le brocanteur aguerri comprend tout de suite qu’il s’agit de moulages. « Une vraie statue de cette taille pèse une tonne. Là, nous étions seulement trois pour les porter. » 

Commence alors l’enquête sur leur provenance. De retour au dépôt, Nicolas Brault envoie plusieurs clichés de sa trouvaille au diocèse d’Angers qui confirme qu’il s’agit de statues représentant le saint patron de la ville - qui donne son nom à la cathédrale d’Angers - et l'un de ses compagnons, Soluteur. Les deux guerriers ont une allure familière ; ils ressemblent à ceux qui ornent la façade de la cathédrale sans être tout à fait les mêmes. Pourquoi ? Les investigations se poursuivent pendant plusieurs mois à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) pour déterminer leur âge.

Selon les expertises, les plâtres ont été réalisés lors des travaux de restauration de la cathédrale Saint-Maurice entre 1909 et 1911 sous la conduite de Jean-Marie Hardion (1858-1932), architecte en chef des Monuments historiques. Les huit statues monumentales alignées depuis 1537 sur la façade occidentale, à la base du clocher central, représentant Saint Maurice et sept de ses compagnons d'armes au sein de la légion thébaine, avaient été déposées en raison de leur état dégradé. 

C’est à cette époque que les restaurateurs ont réalisé des modèles en stuc - en plâtre fin imitant le marbre - qui ont permis de réaliser les copies en pierre des statues vétustes. Les originaux ont été mis à l'abri dans le palais épiscopal et les copies en pierre placés sur la façade de la cathédrale

Dans les archives, les experts ont retrouvé un courrier daté du 14 juin 1912, dans lequel Léon Bérard, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts du gouvernement Poincaré, demande que les modèles en plâtre soient eux aussi conservés. Ils auraient été remisés dans la salle basse du palais épiscopal, à proximité des originaux. Il en est fait mention dans un inventaire du palais épiscopal, effectué en 1940. Mais on perd ensuite la trace de ces copies en plâtre quand des travaux sont effectués dans une chapelle du palais épiscopal durant les années 1950 à la demande de l’évêque d’Angers, Henri Alexandre Chappoulie. 

Comment ces deux modèles en plâtre ont fini en possession d’un particulier et que sont devenus les six autres guerriers de la cathédrale ? L’histoire ne le dit pas (encore). Le brocanteur Nicolas Brault, lui, n’en revient toujours pas. « C’est la première fois que je suis confronté à ce genre d’histoire », explique-t-il Il n’a pas gagné un sou pour cette trouvaille, mais les statues lui ont offert une certaine renommée. « Les deux moulages sont restés un an dans le dépôt-vente pendant l’enquête de la Drac, relate-t-il. Il y avait un réel engouement. Elles attiraient l’attention. Certains se prenaient en photo avec. Si je les avais vendues, elles seraient peut-être parties à l’étranger et on en aurait plus jamais entendu parler. »

Saint Maurice est casqué, armé, la main gauche posée sur un bouclier. Il porte une armure avec un surcot frappé de rais d'escarboucle. Son visage, barbu, est porté vers le bas. Soluteur porte également une armure mais garde la tête nue. Nicolas Brault

Depuis le 24 septembre, les deux sculptures ont pris place dans le transept nord de la cathédrale Saint-Maurice. Elles vont être nettoyées et restaurées avant la fin de l’année, pour un montant de 12 000 euros.